Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo SRI AUROBINDO - YOGA INTEGRAL: mars 2014

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
.............................................................................................................................................................................................................Affichage dynamique

C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

APHORISMES: KARMA (358-407)

Sri Aurobindo
PENSÉES ET APHORISMES
KARMA (358-407)



Pensées et Aphorismes
KARMA
(L'Action )
Karma


358 — Les hommes courent après le plaisir et
étreignent fiévreusement cette épouse brûlante
sur leur cœur tourmenté ; pendant ce temps, une
félicité divine et impeccable se tient derrière eux,
attendant d’être vue, réclamée et capturée.

359 — Les hommes sont à la chasse de petits succès et
de maîtrises futiles d’où ils retombent épuisés
et affaiblis ; pendant ce temps, toute la force infinie de
Dieu dans l’univers attend en vain de se mettre à leur
disposition.

360 — Les hommes déterrent de petits détails de
connaissance et les combinent en systèmes de
pensée limités et éphémères ; pendant ce temps, toute
la sagesse infinie rit au-dessus de leurs têtes et ouvre
large la gloire de ses ailes irisées.

361 — Les hommes cherchent laborieusement à
satisfaire et à combler ce petit être limité fait
d’impressions mentales qu’ils ont groupées autour
d’un ego misérable et rampant ; pendant ce temps,
l’Âme hors de l’espace et du temps se voit refuser sa
manifestation joyeuse et splendide.

362 — Ô Âme de l’Inde, ne te cache plus dans les cuisines
et les chapelles avec les pandits¹ obscurcis
du Kaliyuga² ; ne te voile pas dans les rites sans âme,
les lois surannées et l’argent imbéni de la dakshinâ³ ;
mais cherche dans ton âme, demande Dieu et, avec
l’éternel Véda, retrouve ton état véritable de brâhmane,
ton état véritable de kshatriya : restaure la vérité
secrète du sacrifice védique, reviens à l’accomplissement
d’un Védânta plus ancien et plus puissant.
¹Érudit et interprète des textes sacrés. Les brâhmanes pouvaient avoir la double fonction de cuisiniers et de prêtres.
²L’Âge des Ténèbres.
³Offrande du fidèle au prêtre, une fois le rituel accompli.

363 — Ne limite pas le sacrifice à l’abandon des biens
terrestres ni au refus de quelques désirs ou de
quelques envies, mais que chaque pensée, chaque
action, chaque jouissance soit une offrande à Dieu en
toi. Que tes pas marchent en ton Seigneur, que ton
sommeil et ton éveil soient un sacrifice à Krishna.

364 — « Ceci n’est pas conforme à mon Shâstra ni à
ma science », disent les codificateurs, les
formalistes. Imbéciles ! Dieu est-il donc seulement un
livre qu’il ne puisse rien y avoir de vrai et de bon en
dehors de ce qui est écrit ?

365 — Quelle loi suivrai-je ? La parole de Dieu quand
Il me dit : « Ceci est Ma volonté, ô mon
serviteur », ou les règles écrites par des hommes morts ?
Que non ! Si je dois craindre quelqu’un et obéir, je
craindrai plutôt Dieu et Lui obéirai, et non les pages
d’un livre ni le regard courroucé du pandit.

366 — « Tu peux être trompé, diras-tu, ce n’est peut-être
pas la voix de Dieu qui te conduit ? » Tout
de même, je sais qu’Il n’abandonne pas ceux qui ont
confiance en Lui, même d’une façon ignorante ; tout
de même, j’ai trouvé qu’Il conduisait sagement, même
ceux qu’Il semblait tromper complètement ; tout de
même, je préférerais tomber dans le piège du Dieu
vivant plutôt que d’être sauvé par ma confiance en un
formulaire mort.

367 — Agis selon le Shâstra plutôt que selon ta volonté
propre et ton désir ; ainsi, tu croîtras en force et
maîtriseras le vorace en toi ; mais agis selon Dieu
plutôt que selon le Shâstra ; ainsi, tu parviendras à Sa
hauteur suprême qui plane loin au-dessus de toutes
les règles et de toutes les limites.

368 — La Loi est faite pour ceux qui sont liés et dont
les yeux sont scellés ; s’ils ne marchent pas sous
sa conduite, ils trébucheront ; mais toi qui es libre en
Krishna ou qui as vu sa lumière vivante, marche en
tenant la main de ton Ami et sous la lampe du Véda
éternel.

369 — Le Védânta est la lampe de Dieu qui te conduira
hors de cette nuit d’esclavage et d’égoïsme,
mais quand la lumière du Véda commence à poindre
en ton âme, même cette lampe divine ne t’est plus
nécessaire, car, maintenant, tu peux marcher librement
et sûrement dans la lumière du soleil éternel.

370 — À quoi sert de seulement savoir ? Je te dis : agis
et sois ; car c’est pour cela que Dieu t’a envoyé
dans ce corps humain.

371 — À quoi sert de seulement être ? Je te dis :
deviens ; car c’est pour cela que tu as été établi
homme en ce monde de la matière.

372 — D’une certaine manière, la voie des œuvres est
le côté le plus difficile de la triple route de
Dieu ; cependant, n’est-elle point aussi, du moins en
ce monde matériel, la plus facile, la plus large, la plus
délicieuse ? Car, à chaque moment, nous nous heurtons
à Dieu-le-travailleur et nous nous changeons en Son
être par un millier de rencontres divines.

373 — La merveille de la voie des œuvres est telle que
même l’hostilité contre Dieu peut devenir un
instrument de salut. Parfois, Dieu nous attire et nous
attache plus rapidement à Lui en se battant avec nous
comme notre ennemi acharné, invincible, irréconciliable.

374 — Accepterai-je la mort ou ferai-je face pour me
battre contre elle et conquérir ? Il en sera selon
ce que Dieu en moi choisira. Car, que je vive ou que je
meure, je suis toujours.

375 — Qu’estce donc que tu appelles mort ? Dieu
peut-il mourir ? Ô toi qui crains la mort, c’est
la Vie qui vient à toi arborant une tête de mort et
portant un masque de terreur.

376 — Il existe des moyens de parvenir à l’immortalité
physique et la mort dépend de notre choix, ce n’est pas une obligation de la Nature. Mais qui accepterait de porter le même habit pendant cent ans ou d’être enfermé dans un étroit et invariable logement pendant une longue éternité ?

377 — La peur et l’anxiété sont des formes perverties
de la volonté. Quand tu crains quelque chose
et rumines ta crainte en revenant continuellement au
même refrain dans ton mental, tu l’aides à se réaliser ;
car, si ta volonté au-dessus de la surface de veille
repousse la crainte, c’est pourtant ce que ton mental
en dessous veut sans cesse, et le mental subconscient
est plus puissant, plus vaste, mieux équipé pour
accomplir les choses que ne le sont ta force et ton
intelligence éveillées. Mais l’esprit est plus fort que
l’une et l’autre réunies : sors de la peur, et de l’espoir,
et prends refuge en le calme splendide de l’esprit et
dans son insouciante maîtrise.

378 — Dieu a fait ce monde infini par une Connaissance
de Soi qui, en ses œuvres, est une Volonté-Force
se réalisant spontanément. Il s’est servi de l’ignorance
pour limiter Son infinitude ; mais la peur, la lassitude,
la dépression, le manque de confiance en soi et le
consentement à la faiblesse sont les instruments par
lesquels Il détruit ce qu’Il a créé. Quand ces faiblesses
s’en prennent à ce qui est mauvais ou malfaisant et
mal réglé en toi, c’est bien ; mais si elles s’attaquent
aux sources mêmes de ta vie et de ton énergie, alors
empoigne-les et expulse-les, sinon tu mourras.

379 — Les hommes se sont servis de deux armes puissantes
pour détruire leur propre pouvoir et leur
propre jouissance : l’excès dans la satisfaction et l’excès
dans l’abstinence.

380 — Notre erreur a été et est encore de fuir les maux
du paganisme en prenant l’ascétisme pour
remède, et de fuir les maux de l’ascétisme en revenant
au paganisme. Nous oscillons sans fin entre deux
contraires également faux.

381 — Il est bon de ne pas être trop désordonnément
enjoué dans ses jeux ni trop sinistrement
sérieux dans sa vie et dans ses œuvres. Ici et là nous
cherchons une liberté enjouée et un ordre sérieux.

382 — Pendant près de quarante ans, j’ai souffert
constamment de maux petits ou grands, étant
tout à fait convaincu que j’étais faible de constitution et
que la guérison de ces maux était un fardeau qui m’avait
été imposé par la Nature. Quand j’eus renoncé à l’appui
des médecines, les maladies ont commencé à me quitter
comme des parasites déçus. Alors j’ai compris quelle
force puissante était la santé naturelle en moi et combien
plus puissantes encore étaient la Volonté et la Foi qui
dépassent le mental et que Dieu nous a données pour
soutien divin de notre vie dans le corps.

383 — Les machines sont nécessaires à l’humanité
moderne en raison de son incurable barbarie.
Si nous devons nous enfermer dans une stupéfiante
multitude de conforts et d’apparats, nous devons
aussi, nécessairement, nous passer de l’art et de ses
méthodes. Car, se priver de simplicité et de liberté,
c’est se priver de beauté. Le luxe de nos ancêtres était
riche, voire fastueux, mais jamais encombré.

384 — Je ne peux pas donner le nom de civilisation au
confort barbare et à l’ostentation encombrée
de la vie européenne. Les hommes qui ne sont pas
libres en leur âme et noblement rythmiques en leur
installation ne sont pas civilisés.

385 — Dans les temps modernes et sous l’influence
européenne, l’art est devenu une excroissance
de la vie ou un valet inutile ; il aurait dû être son intendant
principal et son organisateur indispensable.

386 — Les maladies se prolongent inutilement et se
terminent par la mort plus souvent qu’il n’est
inévitable, parce que le mental du malade soutient la
maladie de son corps et s’y appesantit.

387 — La science médicale a été une malédiction plus
qu’une bénédiction pour l’humanité. Certes,
elle a brisé la violence des épidémies et découvert une
chirurgie merveilleuse, mais elle a aussi affaibli la santé
naturelle de l’homme et multiplié les maladies individuelles
; elle a implanté dans le mental et dans le corps la peur et la dépendance ; elle a appris à notre santé à ne pas s’appuyer sur la solidité naturelle mais sur la béquille branlante et répugnante des comprimés

388 — Le médecin décoche une drogue sur la maladie :
parfois il frappe juste, parfois il manque le but.
Les coups manqués sont laissés hors de compte ; les
coups au but sont précieusement thésaurisés, comptés,
mis en système et font une science.

389 — Nous rions du sauvage parce qu’il a foi en le
sorcier-guérisseur, mais l’homme civilisé est-il
moins superstitieux avec sa foi en les docteurs ? Le
sauvage constate qu’en répétant une certaine incantation,
souvent il guérit d’une certaine maladie : il a confiance.
Le malade civilisé constate qu’en s’administrant
certains remèdes selon certaine ordonnance,
souvent il guérit d’une certaine maladie : il a confiance.
Où est la différence ?

390 — Le berger de l’Inde septentrionale, attaqué par
la fièvre, s’assoit dans le courant glacé du fleuve
pendant une heure, ou plus, et se relève sain et sauf. Si
l’homme instruit en faisait autant, il périrait, non pas
parce qu’un remède de même nature tue l’un et guérit
l’autre, mais parce que nos corps ont été irrémédiablement
endoctrinés par le mental et ont pris de fausses
habitudes.

391 — Ce ne sont pas tant les remèdes qui guérissent
que la foi du malade en le médecin et en les
médicaments. L’un et l’autre sont de maladroits succédanés
de la foi naturelle en notre propre pouvoir
spontané, que ceux-ci ont détruit.

392 — Les époques les plus saines de l’humanité
furent celles où il y avait le moins de remèdes
matériels.

393 — La race la plus robuste et la plus saine existant
encore sur la terre était celle des sauvages
d’Afrique ; mais combien de temps pourront-ils rester
sains et robustes une fois que leur conscience physique
aura été contaminée par les aberrations mentales des
races civilisées ?

394 — Nous devrions nous servir de la santé divine
qui est en nous pour guérir et empêcher les
maladies ; mais Galien, Hippocrate et toute la sainte
tribu nous ont fourni à la place un arsenal de drogues
et des tours de passe-passe barbares en latin
pour évangile physique.

395 — La science médicale est bien intentionnée et
ceux qui la pratiquent sont souvent bienfaisants
et assez fréquemment pleins d’abnégation ; mais la
bonne intention de l’ignorant a-t-elle jamais empêché
de faire du mal ?

396 — Si réellement tous les remèdes étaient efficaces
en soi et toutes les théories médicales solides,
en quoi cela nous consolerait-il d’avoir perdu notre
santé et notre vitalité naturelles ? L’arbre upas est sain
en toutes ses parties, mais c’est tout de même un arbre
upas*.
*Arbre originaire d’Indonésie, dont la sève servait à faire des flèches empoisonnées.

397 — L’esprit en nous est le seul médecin totalement
efficace, et la soumission du corps à l’esprit, la
seule panacée véritable.

398 — Dieu en nous est Volonté infinie qui s’accomplit
spontanément. Insensible à la peur de la mort,
ne peux-tu point Lui laisser le soin de tes maux, non
pas à titre d’essai mais avec une foi calme et entière ?
Tu t’apercevras finalement qu’Il surpasse l’habileté
d’un million de docteurs.

399 — La santé protégée par vingt mille précautions,
tel est l’évangile du médecin ; mais ce n’est pas
l’évangile de Dieu pour le corps, ni celui de la
Nature.

400 — Il fut un temps où l’homme était naturellement
en bonne santé, et il pourrait revenir à cette
condition première si on le lui permettait ; mais la
science médicale poursuit notre corps avec une innombrable
troupe de drogues et assaille notre imagination
par des hordes de microbes voraces.

401 — Je préférerais mourir et en avoir fini plutôt que
de passer ma vie à me défendre contre le siège
de microbes fantômes. Si c’est là être barbare et
inéclairé, j’embrasse joyeusement mes ténèbres
cimmériennes.

402 — Les chirurgiens sauvent et guérissent en tranchant
et en mutilant. Pourquoi ne pas plutôt
chercher à découvrir les remèdes directs et tout-puissants
de la Nature ?

403 — Il faudra longtemps avant que l’auto-guérison
remplace la médecine en raison de la peur,
du manque de confiance en soi et de notre croyance
physique dénaturée en les médicaments, que la science
médicale a enseignés à notre mental et à notre corps et
dont elle a fait notre seconde nature.

404 — La médecine n’est nécessaire à nos corps
malades que parce que nos corps ont appris
l’art de ne pas se rétablir sans médecines. Même ainsi,
on constate souvent que le moment choisi par la
Nature pour guérir est celui-là même où les docteurs
avaient perdu tout espoir de conserver la vie.

405 — La perte de confiance en la puissance curative
qui est en nous fut notre chute physique du
paradis. La science médicale et une mauvaise hérédité
sont les deux anges de Dieu qui se tiennent à la porte
pour nous interdire d’y rentrer.

406 — La science médicale vis-à-vis du corps humain
est telle une grande puissance qui, par sa
protection, affaiblit un État plus petit, ou tel un voleur
bienfaisant qui jette par terre sa victime et la crible de
blessures afin qu’elle puisse consacrer sa vie à guérir et
à soigner son corps délabré.

407 — Les médicaments guérissent le corps — à moins
qu’ils ne le détraquent tout simplement ou
l’empoisonnent — seulement si leur attaque physique
contre la maladie est soutenue par la force de l’esprit ;
si l’on peut faire agir cette force librement, les
médicaments deviennent aussitôt superflus.

APHORISMES: KARMA (307-357)

Sri Aurobindo
PENSÉES ET APHORISMES
KARMA (307-357)



Pensées et Aphorismes
KARMA
(L'Action )
Karma

307 — Trois fois Dieu a ri de Shankara* : d’abord,
quand il est revenu brûler la dépouille de sa
mère ; ensuite, quand il a commenté l’Îsha Upanishad ;
enfin, quand il a traversé l’Inde en tempête pour prêcher
l’inaction .
*Shankara (786-820) prêchait l’illusionnisme (mâyâvâda), selon lequel l’univers est une illusion (mâyâ) et seul existe l’Un transcendant, à la différence du bouddhisme qui réduit tout à la notion de vide. Shankara a commenté l’Îsha Upanishad en lui faisant dire le contraire de ce qu’elle signifie pour justifier sa théorie : l’Îsha Upanishad expose la réalité de Dieu et de l’action.

308 — Les hommes ne font effort que pour réussir, et
s’ils ont le bonheur d’échouer, c’est parce que
la sagesse et la force de la Nature l’emportent sur
l’habileté de leur intellect. Dieu seul sait quand et
comment faire sagement une maladresse et échouer
efficacement.

309 — Méfie-toi de l’homme qui n’a jamais échoué ni
souffert ; ne t’attache point à son sort, ne
combats pas sous sa bannière.

310 — L’homme qui n’a jamais été l’esclave d’un autre,
et la nation qui n’a jamais été sous le joug des
étrangers sont l’un et l’autre incapables de grandeur et
de liberté.

311 — Ne fixe pas le temps ni la manière dont sera
réalisé ton idéal. Travaille et laisse le temps et
la manière à Dieu omniscient.

312 — Travaille comme si l’idéal devait s’accomplir
vite et de ton vivant ; persévère comme si tu
savais qu’il ne sera réalisé qu’au prix d’un millier d’années
de labeur encore. Ce que tu n’oses attendre avant
le cinquième millénaire peut s’épanouir avec l’aurore
de demain, et ce que tu espères et convoites maintenant
peut t’avoir été dévolu pour ta centième venue.

313 — Chacun d’entre nous a encore un million de
vies à passer sur la terre. Pourquoi donc cette
hâte et cette clameur et cette impatience ?

314 — Vite, avance à grands pas, car le but est loin ; ne
te repose pas indûment, car ton Maître t’attend
à la fin du voyage.

315 — Je suis las de cette impatience enfantine qui crie
et blasphème et nie l’idéal sous prétexte que les
Montagnes Dorées ne peuvent s’atteindre dans notre
petite journée ni en quelques siècles momentanés.

316 — Sans désir, fixe ton âme sur le but et tiens-y
avec la force divine qui est en toi ; alors le but
lui-même créera ses propres moyens, ou plutôt il
deviendra ses propres moyens. Car le but est Brahman
et déjà accompli ; vois-le toujours comme Brahman,
vois-le toujours en ton âme comme déjà accompli.

317 — Ne fais pas de plans avec ton intellect, laisse ta
vision divine arranger tes plans pour toi.
Lorsqu’un moyen s’impose à toi comme la chose à
faire, fais-en ton but ; quant à la fin, elle est en train de
s’accomplir dans le monde, et dans ton âme elle est
déjà accomplie.

318 — Les hommes voient les événements comme
quelque chose d’inaccompli et qu’il faut
chercher à atteindre, qu’il faut réaliser. C’est une
fausse manière de voir. Les événements ne se réalisent
pas : ils se révèlent. L’événement est Brahman déjà
accompli de tout temps et qui maintenant se manifeste.

319 — De même que la lumière d’une étoile parvient
à la terre des centaines d’années après
que l’étoile a cessé d’exister, de même un événement
déjà accompli en Brahman, au commencement, se
manifeste maintenant dans notre expérience matérielle.

320 — Les gouvernements, les sociétés, les rois, la
police, les juges, les institutions, les Églises, les
lois, les coutumes, les armées, sont des nécessités
temporaires qui nous sont imposées pendant quelques
séries de siècles parce que Dieu nous a caché Sa face.
Quand elle apparaîtra de nouveau devant nous en sa
vérité et en sa beauté, alors, dans sa lumière, ces
nécessités s’évanouiront.

321 — L’état anarchique est le véritable état divin
pour l’homme, à la fin comme au commencement,
mais au milieu il nous mènerait tout droit au
diable et à son royaume.

322 — Intrinsèquement, le principe de société
communiste est aussi supérieur au principe
individualiste que l’est la fraternité à la jalousie et au
massacre mutuel ; mais tous les systèmes pratiques de
socialisme inventés en Europe sont un joug, une
tyrannie et une prison.

323 — Si jamais le communisme réussit à se réinstaurer
sur la terre, ce doit être sur le fondement de la
fraternité de l’âme et sur la mort de l’égoïsme. Une
association forcée et une camaraderie mécanique
aboutiraient à un fiasco mondial.

324 — Le Védânta* réalisé est la seule base pratique
pour une société communiste. C’est le royaume
des saints dont rêvaient le christianisme, l’islam et
l’hindouisme pourânique.
*Selon le Védânta, tout est l’Un.

325 — « Liberté, Égalité, Fraternité », s’écriait la
Révolution française, mais en vérité seule la
liberté a été mise en pratique, avec une certaine dose
d’égalité ; quant à la fraternité, c’est seulement une
fraternité de Caïn qui s’est fondée — et de Barabbas.
Quelquefois, elle s’appelle « trust » ou « cartel », et
parfois « Concert des Nations d’Europe ».

326 — Les penseurs avancés d’Europe s’écrient :
« Puisque la Liberté a échoué, essayons la
Liberté plus l’Égalité, ou, puisqu’il n’est pas facile
d’apparier les deux, essayons l’égalité à la place de la
liberté. Quant à la fraternité, elle est impossible, par
conséquent nous la remplacerons par l’association
industrielle. » Mais je pense que, cette fois-ci non
plus, Dieu ne sera pas trompé.

327 — L’Inde avait trois forteresses dans sa vie
collective : la communauté de village, la grande
famille indivise et l’ordre des sannyâsins ; toutes trois
sont brisées ou en train de se briser sous la foulée des
conceptions égoïstes de la vie sociale ; mais après tout,
n’estce point seulement la démolition de moules
imparfaits sur le chemin qui conduit à un communisme
plus large et plus divin ?

328 — L’individu ne peut être parfait tant qu’il n’a pas
soumis à l’Être divin tout ce qu’il appelle
maintenant lui-même. De même, tant que l’espèce
humaine n’aura pas donné à Dieu tout ce qu’elle a, il
n’y aura jamais de société parfaite.

329 — Rien n’est petit au regard de Dieu ; que rien ne
soit petit à ton regard. Il accorde autant de
labeur et d’énergie divine à la formation d’une coquille
qu’à la construction d’un empire. Quant à toi, il y a
plus de grandeur à être un bon savetier qu’un roi
luxueux et incompétent.

330 — Des capacités imparfaites et un résultat
imparfait dans le travail qui t’est destiné valent
mieux qu’une compétence artificielle et une perfection
d’emprunt.

331 — Le résultat n’est pas le but de l’action, mais le
délice éternel que Dieu trouve à devenir, à voir
et à faire.

332 — Le monde de Dieu avance pas à pas et il réalise
l’unité moindre avant de tenter sérieusement
l’unité plus grande. Affirme d’abord la liberté nationale
si jamais tu veux amener le monde à être une seule
nation.

333 — Une nation ne se fait pas par le sang commun,
une langue commune ni par une religion
commune ; ce sont là seulement des auxiliaires
importants et des commodités puissantes. Mais partout
où des communautés d’hommes non attachés par des
liens de famille se sont unies dans un même sentiment
et une même aspiration afin de défendre l’héritage
commun de leurs ancêtres ou pour assurer un avenir
commun à leur postérité, une nation est déjà née.

334 — La nation est un grand pas dans la marche de
Dieu afin de dépasser le stade de la famille ; par
conséquent, l’attachement au clan et à la tribu doit
s’effacer et disparaître avant que puisse naître une
nation.

335 — La famille, la nation, l’humanité sont les trois
enjambées de Vishnu pour passer de l’unité
isolée à l’unité collective. La première est faite ; nous
nous efforçons encore à la perfection de la seconde ;
nous tendons les mains vers la troisième, mais le
travail de pionnier a déjà commencé.

336 — Étant donné la moralité actuelle de l’espèce
humaine, une unité humaine solide et durable
n’est pas encore possible ; mais il n’y a aucune raison
pour qu’une approximation temporaire ne vienne récompenser
une aspiration opiniâtre et un effort infatigable.
La Nature progresse par des approximations
constantes, des réalisations partielles et des succès
temporaires.

338 — Pends-toi plutôt que d’appartenir à la horde
des imitateurs triomphants.

339 — Embrouillée est la voie des œuvres dans le
monde. Quand Râma, l’Avatâr, a tué Vâli* , ou
quand Krishna, qui était Dieu Lui-même, a assassiné
le tyran Kansa, son oncle, afin de libérer sa nation,
qui dira s’ils ont fait le bien ou le mal ? Mais nous
pouvons sentir ceci : qu’ils ont agi divinement.
* Le roi des singes dans le Râmâyana.

340 — Les forces de réaction perfectionnent et hâtent
le progrès en augmentant et purifiant la force
même du progrès. C’est ce que ne savent pas voir la
multitude des faibles qui désespèrent d’arriver au port
quand le navire fuit impuissant devant le vent d’orage ;
mais il fuit vers le havre prévu par Dieu, encore caché
par la pluie et le creux de l’océan.

341 — La démocratie était la protestation de l’âme
humaine contre le despotisme combiné de
l’autocrate, du prêtre et du noble ; le socialisme est la
protestation de l’âme humaine contre le despotisme
d’une démocratie ploutocratique ; l’anarchie sera
probablement la protestation de l’âme humaine
contre la tyrannie d’un socialisme bureaucratique.
Une marche turbulente et assoiffée qui va d’illusion
en illusion et d’échec en échec, telle est l’image du
progrès de l’Europe.

342 — En Europe, la démocratie est le gouvernement
du ministre d’État, du député corrompu ou du
capitaliste égoïste, masqué par la souveraineté occasionnelle
d’une populace irrésolue. Il est probable que
le socialisme en Europe sera le gouvernement du fonctionnaire
et de la police, masqué par la souveraineté
théorique d’un État abstrait. Il est chimérique de
demander quel est le meilleur des deux systèmes ; il
serait difficile de décider lequel est le pire.

343 — L’avantage de la démocratie est la sécurité de la
vie de l’individu, de sa liberté et de ses biens
contre les caprices d’un tyran ou d’une minorité
égoïste ; son mal est le déclin de la grandeur dans

344 — Cette espèce humaine égarée rêve toujours
d’atteindre à la perfection de son milieu par le
mécanisme d’un gouvernement ou d’une société ; mais
c’est seulement par la perfection de l’âme au-dedans
que le milieu extérieur peut atteindre à la perfection.
Ce que tu es au-dedans de toi, cela tu en jouiras dehors
— nul mécanisme ne peut te délivrer de la loi de
ton être.

345 — Garde-toi toujours de ta propension humaine
à persécuter ou à feindre de ne pas voir la réalité
tandis que tu adores son simulacre ou ses symboles.
Ce n’est pas la méchanceté humaine, mais sa faillibilité
qui est l’occasion du Mal.

346 — Honore la robe de l’ascète, mais regarde aussi
celui qui la porte, de peur que l’hypocrisie
n’occupe les lieux sacrés et que la sainteté intérieure
ne devienne une légende.

347 — Tant d’hommes sont à la poursuite de l’aisance
ou des richesses, rares sont ceux qui embrassent
la pauvreté comme une épouse ; quant à toi, poursuis
seulement Dieu et embrasse-Le. Laisse-Le choisir
pour toi le palais du roi ou le bol du mendiant.

348 — Qu’est le vice, sinon une habitude asservissante,
et la vertu, sinon une opinion humaine ? Vois
Dieu et fais Sa volonté — marche sur le chemin qu’Il
trace pour ta marche, quel qu’il soit.

349 — Au milieu des conflits du monde, n’épouse
point la cause des riches pour leurs richesses ni
des pauvres pour leur pauvreté, celle du roi pour son
pouvoir et sa majesté, ni celle du peuple pour son
espoir et sa ferveur, mais sois toujours du côté de
Dieu. À moins, bien sûr, qu’Il ne t’ait ordonné de Lui
faire la guerre ! Alors fais-la de tout ton cœur, de toutes
tes forces, de tout ton enthousiasme.

350 — Comment saurais-je ce que Dieu veut de moi ?
Je dois rejeter de moi l’égoïsme, le chasser de
chaque repaire, chaque terrier, et baigner mon âme
nue et pure en Ses œuvres infinies ; alors c’est Lui-même
qui me révélera Sa Volonté.

351 — Seule l’âme nue et sans honte peut être pure et
innocente, de même que l’était Adam dans le
jardin primitif de l’humanité.

352 — Ne te vante pas de tes richesses ; ne recherche
pas non plus les louanges des hommes pour ta
pauvreté et ton abnégation ; ces deux choses sont la
nourriture grossière, ou délicate, de l’égoïsme.

353 — L’altruisme est bon pour l’homme, mais il est
moins bon quand c’est une suprême forme de
contentement de soi et qu’il se nourrit en choyant
l’égoïsme d’autrui.

354 — Tu peux sauver ton âme par l’altruisme, mais
prends garde de ne pas la sauver en te prêtant à
la perdition de ton frère.

355 — L’abnégation est un puissant instrument de
purification ; ce n’est pas une fin en soi ni
l’ultime loi de la vie. Ton but ne doit pas être de te
mortifier mais de contenter Dieu dans le monde.

356 — Il est facile de voir le mal accompli par le péché
et par le vice, mais l’œil exercé voit aussi le mal
accompli par une vertu pleine d’elle-même et de sa
rectitude.

357 — D’abord, le brâhmane a gouverné par les Écritures
et les rituels, puis le kshatriya par l’épée et le bouclier ; maintenant, le vaïshya gouverne par la machine et le dollar, et le shûdra, le serf libéré, se bouscule à la porte avec sa doctrine du royaume des
travailleurs syndiqués. Mais ni le prêtre ni le marchand
ni le travailleur ne sont les vrais gouverneurs de
l’humanité ; le despotisme de l’outil ou de la pioche
échouera comme tous les despotismes qui l’ont précédé.
C’est seulement quand l’égoïsme sera mort et que Dieu dans l’homme gouvernera sa propre universalité humaine, que cette terre nourrira une race d’êtres satisfaits et heureux.

VISITES


Membres

Pour recevoir les publications vous pouvez devenir membre (ci-dessus) ou vous abonner en cliquant sur le lien:
S'abonner à SRI AUROBINDO - YOGA INTÉGRAL