Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo Les conditions de succès d'un empire mondial

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. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

Les conditions de succès d'un empire mondial



       On peut concevoir qu'à quelque date future de l'histoire du monde, l'entreprise impériale soit reprise par une nation ou des hommes d'État mieux situés, mieux équipés, doués d'un génie diplomatique plus subtil; par une nation favorisée par les circonstances, le tempérament et la chance comme le fut Rome dans le monde antique. Quelles seraient alors les conditions nécessaires à son succès ? En premier lieu, son plan aurait peu de chances de réussir s'il lui manquait l'extraordinaire bonne fortune qui permit à Rome d'affronter l'un après l'autre ses rivaux et ennemis probables, et d'éviter ainsi une victorieuse coalition des forces ennemies. Quelles sont les chances d'un destin aussi favorable dans un monde vigilant et informé comme le monde moderne, où tout est connu, espionné, observé par des yeux jaloux et des pensées actives, et dans les conditions de la publicité moderne, avec la rapidité de communications mondiales ? Le simple fait de jouir d'une situation prépondérante suffit à mettre en garde le monde entier et à concentrer son hostilité sur la puissance dont il sent instinctivement les ambitions secrètes. Par conséquent, un concours de circonstances aussi heureux ne paraît possible que si, tout d'abord, la puissance grandissante se mettait en marche d'une façon presque inconsciente,  sans qu'aucune ambition définie ni visible vienne à éveiller la jalousie générale ; ensuite, si quelque série d'événements propices la conduisait si près du but désiré qu'il serait à portée de main avant même que ne s'éveillent ceux qui pourraient encore s'y opposer. Par exemple, si une série de conflits dressaient les quatre ou cinq grandes puissances qui dominent maintenant le monde et si chaque conflit laissait l'agresseur brisé sans espoir de relèvement et sans qu'aucune puissance nouvelle se lève pour prendre sa place, on pourrait concevoir que l'une de ces puissances se trouve finalement dans une position si naturellement prépondérante, obtenue sans aucune agression préméditée, gagnée même (du moins en apparence) en résistant à l'agression des autres, que l'empire du monde serait naturellement à sa portée. Mais dans les conditions actuelles de la vie, et surtout étant donné la nature ruineuse des guerres modernes, pareille succession de conflits, tout à fait naturelle et possible dans l'ancien temps, semble être hors du domaine des possibilités réelles.
    Nous devons donc présumer que la puissance en marche pour la domination du monde, rencontrerait inévitablement, à un moment donné, une coalition de presque toutes les puissances capables de s'opposer à elle, et ceci avec la sympathie du monde entier. Même avec la plus heureuse diplomatie, ce moment de coalition semble inévitable. La puissance en marche devrait alors posséder une suprématie. militaire et navale combinée et parfaitement organisée pour pouvoir triompher dans cette lutte, par ailleurs inégale. Mais où est l'empire moderne qui peut espérer pareille supériorité ? Parmi ceux qui existent déjà, il est possible que la Russie, un jour, arrive à une puissance militaire écrasante devant laquelle la force actuelle de l'Allemagne serait une simple bagatelle, mais il est impensable qu'elle puisse allier à cette force terrestre, une puissance navale correspondante. L'Angleterre a joui d'une suprématie navale écrasante jusqu'à présent, et, dans certaines conditions, elle pourrait l'augmenter encore au point de défier le monde en armes* ; mais elle ne pourrait pas, même avec la conscription et l'aide de toutes ses colonies, parvenir à une force semblable sur terre (à moins, bien entendu, qu'elle ne crée des conditions qui lui permettent d'utiliser toutes les possibilités militaires de l'Inde). Même alors, si l'on songe aux formidables masses et aux puissants empires qu'elle devrait être prête à affronter, il apparaît que la création de cette double suprématie est une éventualité que les faits eux-mêmes prouvent hautement improbable, sinon chimérique.
Même confrontée par la grande supériorité numérique de ses ennemis éventuels, on pourrait concevoir qu'une nation réussisse à triompher de la coalition adverse par une science supérieure et un usage plus habile de ses ressources. L'Allemagne comptait sur la supériorité de sa science pour mener à bien son entreprise, et le principe qu'elle suivait, était sain. Mais dans le monde moderne, la science est un bien commun, et même si une nation prend une avance telle sur les autres que celles-ci soient au début dans une position de grande infériorité, l'expérience a montré qu'au bout de peu de temps (et il est peu probable qu'une puissante coalition soit écrasée au premier choc), le terrain perdu peut être regagné rapidement, ou, en tout cas, des méthodes de défense mises au point qui neutralisent largement l'avantage gagné. Par conséquent, pour que la nation ou l'empire ambitieux réussisse, nous devons supposer qu'il ait développé une science nouvelle ou des découvertes nouvelles que les autres ne partagent pas, et qui lui conféreraient une supériorité technique sur la supériorité numérique, un peu à la manière de Cortès et de Pizarre sur les Aztèques et les Péruviens. La supériorité de discipline et d'organisation qui a donné l'avantage aux anciens Romains ou aux Européens en Inde, n'est plus suffisante pour un projet aussi vaste.
    Nous voyons donc que les conditions de succès d'un empire mondial sont telles qu'il n'est guère besoin de faire figurer ce mode d'unification parmi les possibilités pratiques. Il est possible que l'entreprise soit de nouveau tentée, mais on peut presque prophétiser qu'elle échouera. Il faut également tenir compte des surprises de la Nature et de la grande part d'imprévu à laquelle il faut s'attendre dans ses façons de nous manœuvrer. Nous ne pouvons donc pas affirmer que cette issue soit absolument impossible. Au contraire, si telle est son intention, la Nature créera, soudainement ou graduellement, les moyens et les conditions nécessaires. Mais même s'il devait réussir, l'empire ainsi créé aurait à lutter contre tant de forces diverses que son maintien serait encore plus difficile que sa création : ou bien il s'effondrerait rapidement, remettant tout le problème en question pour arriver à une solution meilleure, ou bien il devrait se dépouiller des éléments de force et de domination qui avaient inspiré la tentative, et renier ainsi le but essentiel de son grandiose effort. Mais ceci touche à un autre aspect de notre sujet, que nous devons laisser de côté pour le moment. D'ores et déjà, nous pouvons dire que si l'unification graduelle du monde par l'avènement de grands empires hétérogènes formant des unités psychologiques vraies, n'est qu'une possibilité naissante et vague, son unification par une unique domination impériale exclusive et violente n'est plus possible, ou est en train de disparaître du domaine des possibilités, à moins que ne se produisent de nouvelles conjonctures inattendues parmi les infinies surprises que la Nature tient en réserve.

* Mais maintenant aussi, et beaucoup plus, une écrasante puissance aé­rienne. (Note de Sri Aurobindo)


Sri Aurobindo -L’IDÉAL DE L’UNITÉ HUMAINE-
CHAPITRE IX , La possibilité d'un empire mondial (extrait 2)

 

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