Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo LE MANTRA

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

LE MANTRA


KENA-UPANISHAD -Commentaires- (extrait).

L'Upanishad, renversant l'ordre accoutumé de notre pensée logique qui mettrait le Mental et les Sens, ou la Vie, d'abord, et la Parole à la fin comme fonction subor­donnée, commence sa description négative du Brahman par une explication de la saisissante formule « Verbe de notre parole ». Et il est visible que cette formule signifie : Parole au-delà de la nôtre, expression absolue de laquelle le langage humain n'est qu'une ombre et comme une artificielle contrefaçon. Quelle est l'idée qui sert de base à cette formule de l'Upanishad, à cette préséance donnée à la faculté de parler ?
Constamment, en étudiant les Upanishads, il nous faut nous dépouiller de certaines notions modernes et réaliser l'emploi des mots dans le plus ancien Védânta. Il nous faut nous rappeler que, dans le système védique, la Parole était la Créatrice ; par le Verbe Brahman crée les formes de l'univers. De plus, la parole humaine la plus haute ne fait que tenter de recouvrer, par la révélation et l'inspiration, une expression absolue de la Vérité qui déjà existe dans l'Infini au-dessus de notre compréhen­sion mentale. Il s'ensuit donc que ce Verbe doit être au-dessus de notre pouvoir de construction mentale.
Toute création est expression par le Verbe ; mais la forme qui est exprimée n'est qu'un symbole ou représen­tation de la chose qui est. Nous le voyons dans la parole humaine qui ne présente au mental qu'une forme men­tale de l'objet; mais l'objet qu'elle cherche à exprimer n'est lui-même qu'une forme ou représentation d'une autre Réalité. Cette Réalité est Brahman. Le Brahman exprime par le Verbe une forme ou représentation de Soi‑même dans les objets des sens et de la conscience qui constituent l'univers, exactement comme le mot humain exprime une image mentale de ces objets. Ce Verbe est créateur en un sens plus profond et plus originel que la parole humaine, et avec une puissance dont la plus haute créativité de la parole humaine ne peut donner qu'une analogie faible et lointaine.
Le mot employé ici pour désigner l'émission de la parole signifie littéralement « élévation pour mettre en face » du mental. Brahman, dit l'Upanishad, est ce qui ne peut pas être ainsi élevé devant le mental par la parole.
La parole humaine, comme on le voit, élève seulement la représentation d'une représentation, la figuration men­tale d'un objet qui est lui-même seulement une figura­tion de l'unique Réalité, Brahman. Elle a bien un pou­voir de création nouvelle, mais ce pouvoir même ne s'étend qu'à la création d'images mentales nouvelles, c'est-à-dire de formations complémentaires, basées sur des images mentales antérieures. Un pouvoir aussi limi­té ne donne aucune idée de la puissance créatrice originelle que les anciens penseurs attribuaient au Verbe divin.
Si cependant nous pénétrons un peu plus profondément sous la surface, nous atteindrons à une puissance dans la parole humaine qui, elle, nous donne une image lointaine du Verbe créateur originel. Nous savons qu'une vibra­tion sonore a le pouvoir de créer — et de détruire — des formes ; c'est un lieu commun de la science moderne. Supposons donc qu'à l'arrière-plan de toutes ces formes il y ait une vibration créatrice sonore.
Et maintenant examinons le rapport entre la parole humaine et le son en général. Nous voyons aussitôt que la parole n'est qu'une application particulière du prin­cipe du son, une vibration, produite par la pression du souffle en son passage à travers la gorge et la bouche. Au début, sans aucun doute, elle a dû être formée natu­rellement et spontanément pour exprimer les émotions créées par un objet, par un événement; ce n'est qu'en­suite que le mental s'en est emparé pour exprimer, d'abord l'idée de l'objet, puis des idées sur l'objet. Il semblerait donc que la valeur de la parole fût seulement représen­tative et non créatrice.
Or, de fait, la parole est créatrice. Elle crée des formes d'émotion, des images mentales, des impulsions d'action. La théorie et la pratique védiques anciennes accroissaient cette action créatrice de la parole par l'emploi du man­tra. La théorie du mantra est que c'est un mot de puissance né des profondeurs secrètes de notre être, où il a été couvé par une conscience plus profonde que la cons­cience mentale, formé dans le cœur et non point par l'intellect, tenu dans le mental, puis objet de la concen­tration de la conscience mentale éveillée, et enfin pro­jeté au-dehors silencieusement ou par la voix — le mot silencieux considéré comme plus puissant peut-être que le mot parlé — précisément pour un but de création. Le mantra peut non seulement créer en nous-même de nouveaux états subjectifs, modifier notre être psychique, révéler une connaissance et des facultés que nous ne possédions pas auparavant, il peut non seulement pro­duire des résultats semblables dans d'autres esprits que celui de qui le prononce, mais encore il peut produire dans l'atmosphère vitale et mentale des vibrations qui ont pour résultats des effets, des actions et même l'appa­rition de formes matérielles sur le plan physique.
De fait, même ordinairement, même chaque jour, à chaque heure, nous produisons, par la parole en nous, des vibrations-pensées, des formes-pensées qui ont pour résultats des vibrations correspondantes vitales et phy­siques, agissent sur nous, agissent sur autrui, et finissent par créer indirectement des actions et des formes dans le monde physique. L'homme agit constamment sur l'hom­me à la fois par le mot silencieux et par le mot parlé, et il agit et crée de la même façon, quoique moins direc­tement et moins puissamment, même dans le reste de la Nature. Mais, parce que nous sommes stupidement absor­bés par les formes extérieures et les phénomènes du mon­de et que nous ne prenons pas la peine d'examiner ses processus subtils et non physiques, nous demeurons ignorants de tout ce champ de science qui est derrière le voile.
L'emploi védique du mantra n'est qu'une utilisation consciente de cette puissance secrète du Verbe. Et si nous considérons la théorie qui en est la base en même temps que notre hypothèse antérieure d'une vibration de son créatrice derrière toute formation, nous commencerons à comprendre l'idée des vibrations de son originelles pro­ductrices de formes correspondantes ou de changements de formes. Mais, selon la pensée antique, la matière n'est que le plus bas des plans d'existence. Comprenons alors qu'une vibration de son sur le plan matériel présuppose sur le plan vital une vibration correspondante sans la­quelle elle n'aurait pu entrer en jeu; celle-là présuppose à son tour une vibration causale correspondante sur le plan mental ; le mental présuppose une vibration causale correspondante dans le supramental à la racine même des choses. Mais une vibration mentale implique la pensée et la perception, et une vibration supramentale implique une vision et un discernement suprêmes. Toute vibration de son sur ce plan supérieur comporte donc ce suprême discernement d'une vérité dans les choses, et en est aussi l'expression ; elle est en même temps créatrice, et comporte une suprême puissance qui coule en des formes la vérité discernée; et enfin, descen­dant de plan en plan, elle reproduit cette vérité dans la forme physique ou l'objet créé dans la matière par le son Nous voyons ainsi que la théorie de la création par le Verbe qui est l'expression absolue de la Vérité, et la théorie de la création matérielle par la vibration de son dans l'éther se correspondent et sont deux pôles logiques de la même idée. Elles appartiennent toutes deux au même ancien système védique.
Voici donc le Verbe suprême, Parole de notre parole. C'est la vibration de pure Existence, chargée de la puissance de perception et de création de la conscience, infinie et omnipotente, recevant du Mental qui est derrière le mental sa forme de mot inévitable de la Vérité des choses ; de toute substance et sur tout plan, la forme ou expression physique émerge de par son mécanisme créateur. Le Supramental employant le Verbe est le Logos créateur.
Le Verbe a ses sons-semences — suggérant la syllabe éternelle du Véda, AUM , et les sons-semences des tantristes — qui portent en eux les principes des chose a ses formes qui sont à l'arrière-plan de la parole révélatrice et inspirée qui vient aux suprêmes facultés de l'homme, et ces formes déterminent les formes des choses dans l'univers : il a ses rythmes — car il n'est, point une vibration désordonnée, mais se déroule et se fond en de grandes mesures cosmiques — et selon le rythme sont déterminés la loi, l'arrangement, l'har­monie, les processus du monde qu'il construit. La vie elle-même est un rythme de Dieu.
Mais qu'est-ce donc dans le monde qui est exprimé on élevé devant la conscience par le Verbe ? Ce n'est pas le Brahman, mais des formes et des phénomènes du Brah­man. Brahman n'est pas exprimé, ne peut être exprimé par le Verbe ;'il n'emploie pas le Verbe pour s'exprimer Lui-même, mais il est connu à sa propre conscience de soi, et même les vérités, de Lui-même qui sont derrière les formes des choses cosmiques s'expriment toujours d'elles-mêmes à son éternelle vision. La parole crée, exprime, mais elle n'est elle-même qu'une création et une expression. Brahman n'est pas exprimé par la parole, mais la parole est elle-même exprimée par Brah­man.
Aussi ne sont-ce pas les événements et les phénomènes du monde qu'il nous faut adopter finalement comme objet de notre recherche, mais Cela qui développe de Soi-même le Verbe par la conscience pour que notre Volonté en fasse l'objet de sa recherche. En d'autres termes, l'Existence suprême qui est à l'origine de tout.
La parole humaine n'est qu'une expression seconde, et, à son plus haut degré, une ombre du Verbe divin et des sons-semences, des rythmes harmonieux, des formes de son révélatrices qui sont les mots omniscients et omnipo­tents de l'Éternel Penseur, Harmoniseur, Créateur. La parole la plus hautement inspirée à laquelle puisse atteindre le mental humain, le mot le plus inanalysa­blement expressif de la vérité suprême, la syllabe la plus puissante, le mantra le plus puissant, ne peuvent en être que la lointaine représentation.

 Sri Aurobindo, Trois Upanishads: Isha, Kena, Mundaka
KENA-UPANISHAD -Le mantra- (commentaire)


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