Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo Yoga et psychanalyse freudienne

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

Yoga et psychanalyse freudienne



                                             
Votre pratique de la psychanalyse était une erreur ; pour le moment du moins, cela a rendu le travail de purification moins facile, plus compliqué. La psychanalyse de Freud est la dernière chose que l'on devrait associer au yoga. Elle se saisit d'une certaine partie de la nature, la plus sombre, la plus périlleuse, la plus malsaine, telles les couches subconscientes du vital inférieur, isole quelques-uns de ses phéno­mènes les plus morbides et leur attribue une action hors de toute proportion avec leur vrai rôle dans la nature. La psychologie moderne est une science dans l'enfance, à la fois imprudente, maladroite et grossière. Comme toutes les sciences primitives, c'est un débordement du mental humain et de son habitude universelle de s'emparer d'une vérité partielle ou locale et de la généraliser indûment en voulant expliquer toute l'étendue de la Nature par ses termes étroits. En outre, l'exagération de l'importance des complexes sexuels réprimés est une dangereuse fausseté qui peut avoir une influence néfaste et contribuer à rendre le mental et le vital, non pas moins mais plus foncièrement impurs qu'auparavant.
Il est vrai que le subliminal est la partie la plus impor­tante de la nature humaine et qu'il contient le secret des dynamismes invisibles qui expliquent nos activités de sur­face. Mais le subconscient vital inférieur, et c'est tout ce que la psychanalyse de Freud semble connaître (et encore n'en connaît-elle que quelques coins mal éclairés), n'est rien de plus qu'une portion restreinte et très inférieure de l'en­semble subliminal. Le moi subliminal se tient en arrière et soutient tout l'homme superficiel ; il contient un mental plus large et plus efficace derrière le mental de surface, un vital plus vaste et plus puissant derrière le vital de surface, une conscience physique plus subtile et plus libre derrière l'exis­tence corporelle de surface. Et au-dessus d'eux, il s'ouvre à des régions supraconscientes supérieures, de même qu'au-dessous il s'ouvre à des régions subconscientes inférieures. Si l'on veut purifier et transformer la nature, c'est au pouvoir de ces régions supérieures qu'il faut s'ouvrir et s'élever, et, par elles, changer à la fois l'être subliminal et celui de surface. Même cela doit être fait avec soin, ni prématuré­ment ni imprudemment, en suivant une direction supérieure et en gardant toujours l'attitude vraie, sinon la force attirée peut être trop forte pour l'obscure et faible charpente de notre nature. Mais commencer par ouvrir le subconscient inférieur et risquer ainsi de soulever tout ce qui est mal­propre et obscur en lui, c'est s'écarter de son chemin et inviter les ennuis. D'abord on doit rendre le mental supé­rieur et le vital forts, solides et pleins de la lumière et de la paix d'en haut ; après cela, on peut ouvrir le subconscient et même y plonger avec plus de sécurité et quelque chance de changement rapide et heureux.
     Le système de vouloir se débarrasser des choses par anoubhava est également dangereux ; car sur cette voie, on peut facilement s'enliser davantage au lieu d'arriver à la liberté. Cette méthode repose sur deux mobiles psycholo­giques bien connus. L'un, le mobile d'épuisement volon­taire, n'est valable que dans quelques cas, spécialement quand certaines tendances naturelles ont une emprise ou une poussée trop fortes pour que l'on puisse s'en débarrasser par vitchâra ou par le procédé du rejet en mettant le vrai mouvement à la place. Quand la poussée est excessive, le sâdhak est parfois même obligé de retourner à l'action ordi­naire de la vie ordinaire et d'en avoir la vraie expérience avec une mentalité et une volonté nouvelles derrière ; puis il revient à la vie spirituelle une fois que l'obstacle est éliminé, ou en tout cas sur le point de l'être. Mais cette méthode de laisser-aller intentionnel est toujours dangereuse, bien que parfois inévitable. Elle ne réussit que quand l'être possède une très forte volonté de réalisation ; car alors, l'assouvisse­ment des désirs amène un grand mécontentement, une forte réaction, le vaïragya, et la volonté de perfectionnement peut alors passer dans la partie récalcitrante de la nature.
     L'autre mobile de l'anoubhava s'applique d'une façon plus générale -, en effet, pour rejeter quoi que ce soit de l'être, il faut d'abord devenir conscient de la chose à rejeter, avoir une claire expérience intérieure de son action et dé­couvrir sa place réelle dans le fonctionnement de la nature. Alors on peut agir sur elle pour l'éliminer si c'est un mou­vement entièrement mauvais, ou la transformer si c'est seulement la dégradation d'un mouvement supérieur et vrai. C'est cela, ou quelque chose d'approchant, que l'on a essayé grossièrement et abusivement avec une connaissance rudi­mentaire et insuffisante, dans le système de la psychanalyse. Soulever les mouvements inférieurs jusque dans la pleine lumière de la conscience afin de les connaître et de les manipuler est un procédé inévitable ; car un changement complet ne peut pas se faire sans cela. Mais ce procédé ne peut vraiment réussir que si une lumière et une force supérieures interviennent suffisamment pour surmonter, plus ou moins vite, la force de la tendance offerte à la transformation. Bien des gens, sous prétexte d'anoubhava, non seulement soulèvent le mouvement adverse, mais le soutiennent de leur consentement au lieu de le rejeter, trouvent des justifications pour le prolonger ou le répéter et ainsi jouent avec lui, se plaisent à son retour et l'éternisent ensuite, quand ils veulent s'en débarrasser, il a une telle emprise sur eux qu'ils se découvrent impuissants entre ses griffes et ne peuvent être libérés que par un terrible conflit ou une intervention de la Grâce divine.
    Certains le font par déformation ou perversité vitales, d'autres par simple ignorance ; mais dans le yoga, de même que dans la vie, la Nature n'accepte pas l'ignorance comme une excuse justificative. Ce danger est là chaque fois que l'on manipule maladroitement les parties ignorantes de la nature ; mais aucune partie n'est plus ignorante, plus péril­leuse, plus déraisonnable, plus obstinée dans ses répétitions que le subconscient vital inférieur et ses mouvements. Le soulever prématurément ou sans la connaissance du procé­dé, pour en faire l'anoubhava, c'est risquer d'inonder aussi de ce flot sombre et sale les parties conscientes de notre être, et ainsi d'empoisonner toute la nature vitale et même toute la nature mentale. Par conséquent, on doit toujours com­mencer par une expérience positive, et non par une expé­rience négative, et faire descendre d'abord quelque premier reflet de la nature divine, de la tranquillité, de la lumière, de l'équanimité, de la pureté et de la solidité divines dans les parties de l'être conscient qui doivent être changées ; c'est seulement quand ceci a été fait suffisamment et qu'il y a une base positive solide, que l'on peut avec sécurité soulever les éléments adverses cachés dans le subconscient afin de les détruire ou de les éliminer par la puissance de la tranquillité, de la lumière, de la force et de la connaissance divines. Même ainsi, il y aura toujours assez d'éléments inférieurs qui se lèveront d'eux-mêmes pour vous procurer autant d'anoubhava qu'il vous en faut afin de vous débarrasser des obstacles ; mais dans ce cas, on peut les manipuler avec beaucoup moins de danger et sous une direction interne supérieure.

          
Je trouve difficile de prendre ces psychanalystes au sérieux quand ils essayent de sonder l'expérience spirituelle à la lueur clignotante de leurs lampes de poche ; et pourtant, on le devrait peut-être, car le demi-savoir est une chose puissante qui peut être un grand obstacle à l'émergence de la vraie Vérité. Cette nouvelle psychologie me fait l'effet d'enfants qui apprendraient un alphabet sommaire et pas très adéquat, exultant quand ils additionnent l'ABC du subconscient et le mystérieux super-ego souterrain, et qui s'imaginent que leur premier livre de débutants obscurs, leur b-a ba, est le coeur même de la vraie connaissance. Ils regardent de bas en haut et expliquent les lumières supérieures par les obscurités infé­rieures ; mais le fondement des choses est en haut, non en bas, oupari boudhna éshâm. C'est le Supraconscient, et non le subconscient, qui est le vrai fondement des choses. Ce n'est pas en analysant les secrets de la boue où il pousse qu'on explique le lotus ; le secret du lotus est dans l'archétype divin du lotus, qui fleurit à jamais en haut dans la Lumière. En outre, le domaine que ces psychologues se sont choisi est pauvre, obscur et limité ; il faut connaître le tout avant de pouvoir connaître la partie, et ce qui est tout en haut avant de pouvoir comprendre vraiment ce qui est tout en bas. Telle est la promesse de la psychologie future, et quand son heure sera venue, ces pauvres tâtonnements s'évanouiront, réduits à rien.
                                                


Sri Aurobindo         
LETTRES SUR LE YOGA VI        

2 commentaires:

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…

Comme tous ces commentaires bâtis sur la logique d'un registre que l'on applique à un autre, l’article d’Aurobindo contient sa part d'erreur. Voici quelques remarques de ma part, ancien analysé, ex-analyste et pratiquant la méditation.
- La parole est l’extériorisation du souffle une fois franchies les cordes vocales : ils sont en miroir. Aussi, la fonction symbolique de la parole est celle du souffle. Toutes les techniques utilisant celle-là comme mode d’investigation intérieur concernent donc uniquement l’Occident. Les Orientaux ne devraient pas se lancer dans ce registre pour le critiquer, ils n’y connaissent rien.
- On ne peut pas aborder ni la méditation ni la psychanalyse intellectuellement. Avant de parler authentiquement de celle-ci, il faut s’être allongé sur le divan quelques années, ce que visiblement Aurobindo n’a pas fait.
- La psychanalyse ne se sert pas fondamentalement de la part la plus sombre, comme l’article donne à le lire, mais de la part la plus puissante et la plus sublime de l’homme : la libre expression de la parole. C’est l’erreur fondamentale d’Aurobindo, erreur avec laquelle il commence son article et le développe ensuite. A partir de ce qui va le mieux chez l’homme, la parole, peut-il transformer ce qui va le plus mal. Aussi bien que le souffle, la parole aussi est l’expression de la lumière intérieure, supra-mentale. Saint Jean l’a écrit à sa manière dans son évangile.
- Je suis d’accord avec Aurobindo pour dire qu’il y a un supra-mental, que l’on qualifie de spirituel, et qui n’est pas abordé par la psychanalyse. Mais ce n’est pas son objet. Ca ne veut pas dire que le supra-mental n’est pas présent. Ca veut dire que si l’analysant veut en parler, il est libre de le faire, mais ce n’est pas à l’analyste de le provoquer ni le refuser.
- Dire qu’explorer sa sexualité infantile ne suffit pas, je suis d’accord sur ce point. Pour faire court, il y a une part de l’inconscient qui est au-delà de la relation familiale et de la sexualité. Elle appartient en propre à l’individu et ne peut être ni reconnue ni explorée par la psychanalyse. Mais et j’insiste là-dessus, c’est déjà beaucoup, énorme, gigantesque même, de pénétrer dans la couche refoulée de l’inconscient psychanalytique pour la clarifier. Sur ce point, Aurobindo n’a pas raison.
- J’ai fréquenté un certain nombre de bouddhistes, de profs de yoga, d’enseignants en méditation et je me permets de dire que s’ils se seraient allongés quelques années sur un divan pour parler de leur périnée, ils auraient plus de recul et de discernement. J’ajoute la même chose pour les psychanalystes : s’ils méditaient, cela approfondirait leur travail.
- Dans le cadre de ce commentaire, je ne peux pas développer la différence de méthode de travail entre la psychanalyse et la méditation. Elles sont toutes les deux pertinentes et adaptées à leur civilisation.
- En finale, comme méthode de connaissance de soi, la psychanalyse et la méditation se complètent fort bien et peut-être plus facilement en Occident qu’en Orient. Rien ne les oppose et il ne sert à rien de critiquer une des méthodes à partir de l’autre ; c’est même ridicule. Sur ce point, Aurobindo a manqué de sagesse et de discernement.

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