Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo LA DELIVRANCE DE L'EGO

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

LA DELIVRANCE DE L'EGO



Former un ego mental et vital lié à l'exis­tence du corps, tel a été le premier et grand labeur de la Vie cosmique dans son évolution progressive ; c'est le moyen qu'elle a trouvé pour créer, à partir de la matière, un individu cons­cient. La dissolution de cet ego limitatif est la condition essen­tielle, le moyen nécessaire pour que cette Vie cosmique puisse elle-même parvenir à sa fructification divine, car c'est de cette seule façon que l'individu conscient peut trouver son Moi transcendant, sa vraie Personne. Ce double mouvement de formation puis de dissolution de l'ego est généralement décrit comme une chute et une rédemption, ou comme une création et une destruction — la flambée d'une lumière et son extinc­tion, ou la formation d'un petit moi temporaire et irréel, puis la délivrance en l'éternelle largeur de notre vrai Moi. En effet, la pensée humaine se partage entre deux opposés extrêmes : l'un, mondain et pragmatique, considère la satisfaction du sens de l'ego mental, vital et physique de l'individu ou de la collec­tivité comme le but de la vie et ne voit pas plus loin ; tandis que l'autre, spirituel, philosophique ou religieux, considère la conquête de l'ego dans l'intérêt de l'âme, de l'esprit ou de quelque ultime entité, comme la seule chose qui vaille suprê­mement d'être accomplie. Mais même dans le camp de l'ego, deux attitudes divergentes séparent les tenants de la théorie mondaine ou matérialiste de l'univers. Les uns considèrent l'ego mental comme une création de notre mentalité qui sera dissoute avec la dissolution du mental, à la mort du corps —la seule vérité durable est la Nature éternelle et son œuvre dans l'espèce (celle-ci ou un autre) et ce sont ses desseins qui doivent être poursuivis et non les nôtres. L'accomplissement de l'espèce ou de l'ego collectif, et non celui de l'individu, telle doit être la règle directrice de la vie. Les autres, d'une tendance plus vitaliste, considèrent l'ego conscient comme le suprême accomplissement de la Nature, si éphémère soit-il, et l'ennoblissent en en faisant un représentant humain de la Volonté d'être, estimant que sa grandeur et sa satisfaction sont le suprême but de notre existence. Dans les systèmes plus nombreux qui s'appuient sur une pensée religieuse ou quelque discipline spirituelle, nous retrouvons une divergence corres­pondante. Le bouddhiste nie l'existence d'un moi réel ou ego, il ne reconnaît pas d'Être universel ni transcendant. L'adwaïtî, de son côté, déclare que l'âme, individuelle en apparence, n'est pas autre chose que le Moi suprême ou Brahman; son indi­vidualité est une illusion ; se débarrasser de l'existence indi­viduelle est la seule vraie délivrance. D'autres systèmes, en contradiction formelle avec ce point de vue, affirment la durée éternelle de l'âme humaine en qui ils voient une base de la conscience multiple de l'Un au sein de l'Un, ou une entité dépendante bien que séparée de l'Un, et en tout cas une exis­tence constante, réelle, impérissable.

Parmi ces opinions variées et contradictoires, le chercheur de Vérité doit décider par lui-même quelle sera la Connais­sance valable pour lui. Mais si notre but est une délivrance spirituelle ou un accomplissement spirituel, il est indispensable de dépasser ce petit moule de l'ego. L'égoïsme humain et sa satisfaction n'apportent aucune culmination divine, aucune délivrance divine. Une certaine purification de l'égoïsme est nécessaire, fût-ce pour le progrès éthique et l'élévation éthique, ou pour le bien social, la perfection sociale ; elle est encore plus indispensable pour la paix, la pureté et la joie intérieures. Mais une délivrance bien plus radicale encore est nécessaire, non seulement de l'égoïsme mais de l'idée d'ego et du sens de l'ego, si nous voulons élever la nature humaine à la nature divine. L'expérience montre que, dans la mesure où nous nous délivrons de l'ego mental et vital et de ses limitations, nous possédons une vie plus vaste, une existence plus large, une conscience plus haute, un état d'âme plus heureux, et même une connaissance, un pouvoir, un champ d'action plus éten­dus. Même si nous acceptons la philosophie la plus mondaine et que nous cherchions la plénitude, la perfection et la satisfaction de l'individu, nous y arriverons beaucoup mieux en trouvant la liberté dans un moi plus haut et plus large qu'en satisfaisant le petit ego. Il n'est point de bonheur dans la peti­tesse de l'être, dit l'Écriture; l'être large apporte le bonheur. Essentiellement l’ego est une petitesse d'être; il produit une contraction de la conscience et, par cette contraction, une limi­tation de la connaissance, une ignorance paralysante ; il amène un emprisonnement, une diminution de pouvoir, et, par cette diminution, l'incapacité et la faiblesse; il crée une scission dans l'unité et, par cette scission, la désharmonie et le manque de sympathie, d'amour et de compréhension ; il entraîne une inhibition ou une fragmentation de la joie d'être et, par cette fragmentation, la douleur et le chagrin. Pour recouvrer ce que nous avons perdu, nous devons nous échapper des mondes de l'ego. L'ego doit disparaître en l'impersonnalité ou se fondre en un "je" plus large -il doit se fondre en l'immensité du "je" cosmique qui contient tous ces « moi » plus petits, ou en le Transcendant dont le Moi cosmique lui-même n'est qu'une image amoindrie.

Mais ce Moi, cosmique est spirituel, tant en essence qu'en expérience ; il ne faut pas le confondre avec quelque existence collective ni quelque âme de groupe, ni avec la vie et le corps d'une société humaine, ni même avec l'espèce humaine tout entière. La subordination de l'ego au progrès et au bonheur de l'espèce humaine est, de nos jours, l'une des idées favorites de la pensée et de l'éthique du monde ; mais c'est un idéal mental et moral, non un idéal spirituel. Car le progrès de l'espèce est fait d'une série de vicissitudes mentales, vitales et physiques constantes ; il n'a pas de contenu spirituel stable et n’offre aucune base solide à l'âme de l'homme. La conscience de l'humanité collective est seulement la somme des ego individuels, ou une version plus large et plus complète de l'ego individuel. Faite de la même substance, coulée dans le même moule de la nature, elle ne recèle pas une lumière plus grande, pas une perception d'elle-même plus éternelle, pas une source plus pure de paix, de joie et de délivrance. Au contraire, elle est encore plus torturée, plus tourmentée et obscurcie, et cer­tainement plus vague, plus confuse et moins apte au progrès que l'ego individuel. À cet égard, l'individu est plus grand que la masse et l'on ne peut pas le sommer de subordonner ses possibilités plus lumineuses à cette obscure entité. Si la lumière, la paix, la délivrance et une existence meilleure doivent venir, il faut qu'elles descendent dans l'âme, qu'elles viennent de quelque chose de plus vaste que l'individu, mais aussi de quel­que chose de plus haut que l'ego collectif. L'altruisme, la phi­lanthropie, le service de l'humanité sont, en soi, un idéal mental ou moral, non une loi de la vie spirituelle. Si, au but spirituel, vient s'ajouter une impulsion à l'abnégation du moi personnel ou à servir l'humanité ou le monde dans son ensemble, cette impulsion ne vient pas de l'ego ni du sens collectif de l'espèce, mais de quelque chose de plus occulte et de plus profond qui transcende l'un et l'autre; car elle se fonde sur le sens du Divin en tout, et ce n'est pas pour l'amour de l'ego ni de l'espèce qu'elle œuvre, mais pour l'amour du Divin et de ses desseins en la personne collective, le groupe ou l'homme en général. C'est cette Source transcendante que nous devons rechercher et servir, cet être, cette conscience plus vastes ; l'espèce et l'individu sont seulement des termes mineurs de son existence.

Certes, derrière l'impulsion pragmatique se cache une vérité  qu'une spiritualité exclusive et partiale a tendance à mécon­naître et à nier ou à rabaisser, à savoir que l'individu et l'uni­vers sont des termes de cet Être plus haut et plus vaste, et donc que leur accomplissement aussi doit avoir quelque place réelle dans l'Existence suprême. Derrière eux, il doit y avoir quelque haut dessein de la Sagesse et de la Connaissance su­prêmes, quelque note éternelle de la suprême Félicité ; ils ne peuvent pas avoir été créés et n'ont pas été créés en vain. Mais la perfection et la satisfaction de l'humanité, comme celles de l'individu, ne peuvent s'atteindre et se fonder solidement que sur une vérité et une justice plus éternelles, encore jamais saisies. Termes mineurs d'une Existence plus grande, ils ne trouveront leur plénitude que quand ils connaîtront et posséderont ce dont ils sont les termes.

Srî Aurobindo, La Synthèse des Yogas II-Le yoga de la connaissance intégrale-, 
Chp. CHAPITRE IX, La délivrance de l'ego, p81 à p84
Traduit de l'Anglais par la Mère.
En lien:
TRANSCENDER L'EGO

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