Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo SRI AUROBINDO - YOGA INTEGRAL: Pourquoi Sri Aurobindo est cool...

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

Pourquoi Sri Aurobindo est cool...



Pourquoi Sri Aurobindo est cool...


Originale version : Why Sri Aurobindo Is Cool

What is enlightenment? prouve que parfois, même les gourous morts vous bottent les fesses ...

Cette interview est parue au printemps/été  de l'année 2002 dans le magazine What is enlightenment? intitulé Le Futur de Dieu, Evolution et Eveil pour le 21e siècle.




« MAIS SRI AUROBINDO est cool ! », ai-je lancé à Andrew Cohen, mon maître spirituel et rédacteur en chef.

Mais Andrew a répliqué :« Oui, nous, on sait ça, mais comment va-t-on le communiquer à nos lecteurs ? »

« Est-ce qu’il ne suffirait pas de leur raconter tout simplement son incroyable histoire ? Regarde ce que je veux dire : “Un combattant controversé de la liberté atteint l’éveil en prison et délaisse la conduite de la révolution pour devenir l’un des plus grands philosophes/yogis et penseurs de l’évolution qui aient jamais vécu.” Tu dois reconnaître que ça fait un sacré titre ».

Andrew sourit : « Peut-être pour le Times de l’éveil. Mais écoute, il y a quand même un problème : c’est un gourou mort, ça ne fait pas de doute ; un gourou mort étonnant, probablement un des gourous morts les plus extraordinaires que le monde ait jamais connu… Mais regarde les choses en face : c’est une vieille histoire. Nous, c’est What Is Enlightenment (Qu’est-ce que l’Eveil). On est à la pointe. Il s’agit d’une recherche vivante ; on ne s’occupe pas des gourous morts. Et comme l’a dit Adi Da… »

« …les gourous morts ne vous bottent pas les fesses ! » firent en chœur mes collègues, mettant un pont final à sa phrase.

Je n’arrivais pas à croire que la conversation prenne ce tour, et j’ai bondi : « Et Babaji, alors ? Personne n’a l’air d’apporter la preuve qu’il ait jamais vécu, mais lui, on en parle ! »

Andrew s’esclaffa : « Les sages immortels, c’est une chose, mais il est incontestable que ça fait cinquante ans que Sri Aurobindo est sous terre. Je sais que pendant quatre jours, son corps n’a pas commencé à se décomposer, et que cela a étonné les médecins, mais je n’aimerais pas le voir maintenant ».

« Bon, mais Swami Vivekananda est dans ce numéro, et il ne crève pas vraiment le top 50 des conférences, hein ? »

Avec ce coup-là, j’étais sûr de l’emporter.

« Ça va bien de publier un extrait du livre d’un quidam, répondit Andrew, mais tu demandes qu’on t’expédie jusqu’en Inde pour faire une recherche en profondeur sur quelqu’un dont on peut tout savoir en consultant le net. »

« Écoute, insistai-je, on est en train de faire un numéro sur l’éveil évolutif ; il y en a combien qui savent seulement de quoi il retourne ? De nos jours, tout le monde croit que l’éveil, c’est l’aboutissement, le final merveilleux, l’ultime explosion dans le nirvana sans retour. Mais Sri Aurobindo a COMPRIS, et il a été le premier à comprendre. Et il l’a compris comme peu l’ont jamais compris depuis. C’est sûr que les gens peuvent se renseigner sur lui en consultant le net, mais il faut qu’avant, ils découvrent à quel point il était étonnant. C’est pour ça que je veux faire cet article, pour le leur dire. Et pour le faire vraiment comme il faut, je pense qu’il faut que j’aille en Inde, pour visiter son ashram et parler avec les gens qui l’ont connu, pour saisir la vraie histoire, de l’intérieur. »

Andrew me fit signe de m’asseoir et dit : « Ecoute, ça va. Je ne peux pas discuter ce que tu dis, et je ne dirai pas qu’il n’est pas question que tu le fasses, mais avant que je sois d’accord pour t’envoyer à l’autre bout du monde, il faut que tu trouves comme un biais, une façon de ramener Sri Aurobindo à la vie qui soit dans le coup, moderne, intrigant, et par-dessus tout, qui colle à l’éveil au vingt et unième siècle. Ce ne peut pas être seulement une resucée de la vieille histoire. Penses-y, et on en reparlera demain. »

Et tandis que nous mettions un point final à notre conférence de rédaction quotidienne, je ne pouvais faire davantage pour contenir mon excitation. Cela avait été rude, mais j’avais mis un pied dans la porte, comme je l’espérais.

J’étais arrivé à cette réunion de l’après-midi, avec une pile de livres sur le sage Sri Aurobindo, ce pionnier du vingtième siècle, en sachant que j’avais des dispositions pour ce travail. Même si je ne doutais pas de l’extrême respect qu’avait chaque membre de l’équipe pour son œuvre, je savais qu’une histoire dont la vedette était un grand personnage du passé, qui plus est dans un numéro sur l’avenir, était dure à vendre.

D’entrée, un de mes collègues avait demandé : « est-ce qu’il n’est pas extrêmement difficile à lire, comme s’il avait eu un croisement génétique avec un philosophe allemand, ou un truc comme ça ? » Je ne pouvais nier que sa lecture était raide, car il avait fait en Latin et en Grec ses premières armes dans l’écriture, deux langues dans lesquelles les longues phrases sont effectivement une sorte de sommet de l’art. Cependant, je savais que ma seule chance de l’emporter passait par une lecture à haute voix de quelques passages. 
L’animal est un laboratoire vivant dans lequel la Nature a, pour ainsi dire, façonné l’homme. Et l’homme lui-même pourrait fort bien être un laboratoire vivant et pensant dans lequel, et avec la collaboration consciente duquel, Elle entend façonner le surhomme, le dieu.

Cela capta leur attention, et j’en lus un peu plus : 

…car pour le plein et parfait accomplissement de la poussée évolutive, une illumination (spirituelle) et un changement doivent s’emparer pour le recréer de l’être tout entier, esprit, vie et corps : il ne doit pas seulement s’agir d’une expérience intérieure de la divinité, mais d’un remodelage par Son pouvoir de l’existence intérieure et extérieure tout à la fois ; cela ne doit pas seulement prendre forme dans la vie de l’individu, mais aussi en tant que vie collective d’êtres gnostiques érigés en pouvoirs et formes les plus élevés du devenir de l’esprit dans la terre-nature.

Je lus quelques autres pages de la même veine et jetai un coup d’œil circulaire sur leurs visages. Ce ne fut pas une surprise : ils étaient captivés. Tout au long de notre recherche sur ce sujet, nous avions rencontré des penseurs de l’évolution extraordinaires, mais les paroles de Sri Aurobindo étaient porteuses d’un poids spirituel sans égal chez ceux que nous avions lus, un poids qui avait une grande signification au vu du sujet de notre numéro, et au vu des raisons qui étaient les nôtres pour choisir ce thème maintenant. Car l’idée de faire un numéro sur l’évolution et l’éveil avait germé sous l’effet d’une série de percées inattendues dans la pratique collective de notre communauté spirituelle ; et ces percées, à moins que nous ne soyons tous cinglés, paraissaient suggérer beaucoup de choses sur la relation entre l’éveil et le potentiel de l’humanité quant à une évolution collective ultérieure. Car jusque-là, aucune des religions traditionnelles n’avait pu éclairer notre expérience ; mais, page après page, le message de Sri Aurobindo se manifestait de manière très claire.

Bien que cette lecture à voix haute de Sri Aurobindo ait rendu notre équipe éditoriale curieuse d’en apprendre davantage sur ses enseignements, elle ne m’avait rapproché de mon but que d’un poil, et lorsque je sortis de la réunion, cet après-midi-là, il était clair que je devais me montrer bien plus persuasif avant de pouvoir partir pour l’Inde. Mais cette nuit-là, comme je ruminais les moyens qui pourraient convaincre le monde que Sri Aurobindo était cool, il me vint un éclair subit de ce que j’espérais être l’inspiration. Et après avoir passé la plus grande partie de la nuit à tenter de le formuler, je me présentai à la réunion suivante, prêt pour la prochaine manche.
Pourquoi Sri Aurobindo est cool...

« Je veux vous lire ce que j’ai écrit », jetai-je au début de la réunion, avant même que quiconque ait seulement pu faire état des nouvelles du jour.

« Écrit ? » Andrew paraissait légèrement troublé. « A quel sujet ? »

Je répondis avec assurance : « A propos de Sri Aurobindo. J’ai réfléchi à ce que tu as dit, du besoin de le faire paraître cool, et je crois que j’ai une approche. J’ai déjà écrit les quatre premières pages. »

Il rit : «Ça c’est nouveau : écrire l’article avant de faire la recherche ! Si on en était tous capables, on pourrait peut-être publier tous les trois mois et en plus, on économiserait un paquet sur les billets d’avion. Bon, qu’est-ce ce que tu attends ? Allons-y, on écoute… »

Et je commençai :
Lorsque la plupart d’entre nous pensent à Sri Aurobindo, c’est sans doute à cette image célèbre où on le voit assis là sur cette chaise en forme de trône, longue barbe et cheveux blancs, comme sorti tout droit d’un film d’Hollywood où il aurait tenu le rôle de Dieu. On imagine presque sa voix de roi James d’Angleterre, tonnante d’une impressionnante autorité, à la manière de l’interprétation classique de Jésus de Nazareth par Robert Powell. Mais jetons un regard derrière la scène, sur la vie de ce mystique révolutionnaire, et l’on se retrouvera face à face avec un tout autre personnage. Voyez-vous, le vrai Sri Aurobindo n’était pas le patriarche d’une tour d’ivoire d’un autre monde appelant les masses perdues depuis ses hauteurs. Non. C’était un homme d’action, une intelligence de feu, un puissant yogi et, s’il en est, un renégat spirituel. En un mot, ce type était cool. Réellement cool. Comme l’a dit Michael Murphy, cet auteur à succès, co-fondateur de l’institut Esalem et qui a vécu à l’ashram de Sri Aurobindo, « Aurobindo est un type prodigieusement grand. Il a tant frayé de chemins. Pratiquement personne n’a la vision qui met les deux ensemble, Dieu et l’univers en évolution. Pratiquement personne ! La plupart des penseurs de la philosophie orientale embrassent la perspective plus traditionnelle, celle que représentent Huston Smith et Ram Dass, la perspective mystique classique pour laquelle l’évolution compte peu, sinon pas du tout. »

Laissez-moi traduire : ce que Mike est en train de dire, c’est que Sri Aurobindo a apporté dans la vie spirituelle un vision nouvelle radicale (pas au sens californien), vision qui, autant qu’on puisse le dire, n’avait été brossée par aucun autre mystique avant lui. Le fait est qu’à l’exception peut-être du judaïsme, presque toutes les traditions religieuses et mystiques de l’orient comme de l’occident, – même si elles promeuvent le fait de bien travailler dans le monde, de couper du bois et de porter de l’eau, ou d’être un bodhisattva consacré à la libération de tous les êtres – toutes les traditions au bout du compte voient le but de la pratique spirituelle comme une sorte de décollage vertical, hors de ce monde dans un au-delà transcendant, un ciel, ou bien comme une ultime cessation dans le nirvana. Sri Aurobindo eut l’audace de dire que cette façon de voir était une erreur. Une grave erreur. Il a même eu la chutzpah de dire que cette erreur avait été commise par des Shankara et Bouddha. A ses yeux, le but était quelque chose d’une tout autre portée. Il disait que si seulement nous voulions participer consciemment à l’évolution, nous serions à même de créer une « vie divine » ici même, sur terre. Pas de décollage vertical. Pas de grande évasion, mais un déploiement ininterrompu, dynamique, miraculeux d’expressions toujours plus élevées d’harmonie et d’unité, ici-bas, dans ce monde.

Mais il y a plus. Beaucoup plus. Prenez la poésie : elle est cool aujourd’hui, non ? Eh bien, je vais vous dire : si Sri Aurobindo était en vie, il vous porterait le « choc poétique » à un niveau complètement nouveau. Avec lui, les rythmes d’aujourd’hui auraient l’air de rengaines et les rappers retourneraient au lycée en courant. Il a publié ses premiers poèmes à l’âge de douze ans. Le plus long, Savitri, (il lui a fallu presque trente-cinq ans pour l’écrire) comporte vingt-quatre mille vers. Il constitue l’exemple le plus élevé de ce qu’il a appelé « la poésie de l’avenir », ou « la poésie d’en haut », celle qui s’écrit depuis les plans de conscience les plus élevés. Et c’est véritablement élevé. En ingérer plus de quelques strophes sans entrer en Samadhi (absorption extatique) est une gageure. A ne lire en aucun cas si on manipule de l’outillage lourd. Et puis, est-ce que j’ai signalé qu’Aldous Huxley, le Prix Nobel Pearl S. Buck et d’autres ont séparément nominé Sri Aurobindo pour le prix Nobel de littérature ?

A part ça, être un révolutionnaire en politique, c’est franchement cool, non ? Eh bien, qu’est-ce que vous dites de ça, qu’à l’âge de onze ans (c’est ça, onze ans), après avoir lu un poème de Shelley sur la révolution française, Aurobindo décida que lui aussi aimerait consacrer sa vie « à un changement mondial de ce genre » et conduire vers la liberté son pays natal qui était alors opprimé ? Et qu’après avoir terminé une carrière universitaire parsemée de distinctions à Cambridge où il survivait avec à peine plus que « des toasts et du thé », il soit devenu à trente-quatre ans le principal dirigeant du mouvement indien pour l’indépendance ? Les Britanniques l’ont même qualifié « homme le plus dangereux » de l’Inde et l’ont jeté en prison – à l’isolement, pour être précis – pendant le plus clair de l’année que dura son procès pour son implication supposée dans des attaques terroristes à la bombe.

Mais devinez ce qu’il a fait en prison : une déprime ? Pas du tout. Il a médité. Et sacrément ! C’est là en fait, dans une cellule nue de cinq mètres sur huit, qu’il a entrepris l’une des transformations les plus remarquables de son voyage – pour ne pas dire son épopée – spirituel. « Au bout de peu de temps, comme il le raconte, je regardai la prison qui me coupait des hommes, mais ce n’étaient plus ses hauts murs qui m’emprisonnaient ; non, c’était [Dieu] qui m’entourait. Je marchais sous les branches de l’arbre qui faisait face à ma cellule, mais ce n’était pas l’arbre, je savais que c’était [Dieu], que c’était le Seigneur Krishna que je voyais là debout, me tenant sous Son ombre. Je regardais les barreaux de ma cellule, cette même grille qui tenait lieu de porte, et je vis [Dieu], de nouveau…. Ou bien je m’allongeais sur les couvertures grossières qu’on m’avait données pour couche, et je sentais les bras du Seigneur Krishna qui m’enveloppaient, les bras de mon Ami et Amant. » Voilà ce qui s’appelle être à l’isolement…

Et pendant qu’on en est à la question des percées spirituelles, jetons un coup d’œil sur son yoga. Là je ne suis pas en train de parler de la blonde bien roulée qui fait suptavirasana sur une plage californienne au coucher du soleil, de ce genre de yoga de calendrier du Journal du Yoga. Mais c’était le yoga au sens traditionnel : la recherche de l’union avec le Divin à travers une pratique spirituelle intérieure réelle, disciplinée. Presque tous ici diraient : méditation et contemplation. Pourtant, pour Sri Aurobindo, qui n’était pourtant pas homme à prendre mollement l’effort à faire, la partie yoga semble être venue facilement. En fait, la toute première fois qu’il est allé voir un enseignant pour être guidé, il s’est retrouvé propulsé dans un état de conscience que beaucoup n’atteignent jamais en une vie entière de pratique. En suivant simplement les instructions d’un yogi peu connu, de rejeter toute pensée qui tentait de rentrer dans son esprit, il découvrit qu’ « en un instant mon esprit devint silencieux comme un air immobile au sommet d’une haute montagne, et je vis une pensée puis une autre entrer de l’extérieur d’une façon très concrète ; je les rejetai avant qu’elles puissent s’emparer du cerveau, et en trois jours j’étais libre. »

Et juste pour clarifier les choses, la « liberté » dont il fit l’expérience – et qu’il continua de vivre à partir de ce jour – n’était, comme il le dit lui-même, rien d’autre que le « nirvana », « l’expérience concrète d’immobilité et de silence » que la plupart d’entre nous considèrent comme le fondement et le but de toute quête mystique :

Atteindre le Nirvana constitua le premier résultat radical de mon propre yoga. Cela me jeta soudain dans un état où il n’y avait pas d’ego, ni de monde réel … pas d’Un, ni même de multiple, rien que Cela, absolument, sans caractéristiques, sans relations, pur, indescriptible, impensable, absolu, et cependant suprêmement réel et unique réalité … Cela produisit une Paix inexprimable, un silence prodigieux, une infinité de détente et de liberté.

Mais pour Sri Aurobindo, l’expérience ne s’arrêta pas là. Bien qu’il fût « occupé dans un premier temps par un sentiment et une perception irrésistible de l’irréalité totale du monde », son expérience finalement commença à faire place à la reconnaissance d’une vérité plus profonde : 

Cet aspect d’un monde illusoire fut remplacé par un autre où l’illusion n’est qu’un petit phénomène de surface avec une immense Réalité Divine derrière lui et une Réalité Divine suprême au-dessus, ainsi qu’une intense Réalité Divine au cœur de tout ce qui paraissait de prime abord n’être que forme cinématographique ou ombre…Dans ma conscience libérée, le Nirvana s’avéra être le commencement de ma réalisation, un premier pas vers la chose complète, et non le seul véritable aboutissement possible ou même une ultime conclusion … Et il grandit alors lentement pour devenir quelque chose qui n’était pas moindre mais plus grand que son soi initial. 

En ces jours d’éveil à la façon bouddhiste en Occident, que Sri Aurobindo revendique que le nirvana ne soit pas la fin du chemin peut paraître un peu étrange. Après tout, le nirvana, par sa définition même, ne signifie-t-il pas « la fin », la cessation ultime où tend tout notre effort ? Je veux dire : bien sûr que si l’on est réellement des bodhisattvas désintéressés, on peut songer à différer notre nirvana pendant quelques éons, mais on sait tous où on va en fin de compte, non ? La cessation, la délivrance, la transcendance, l’Au-Delà.

Pourquoi Sri Aurobindo est cool...

Une de mes collègues, Elizabeth, m’interrompit : « Je ne suis pas sûre que tu puisses vraiment affirmer cela de nos lecteurs. Je t’accorde que la plupart des personnes spirituelles n’ont pas tendance à considérer le but en termes d’évolution, mais je crois que les gens ont sans doute plein d’idées diverses à propos de ce à quoi les conduit leur pratique spirituelle. Regarde seulement combien de gens on a rencontrés en faisant ce numéro sur l’évolution, qui considèrent la réalisation de l’immortalité physique ou du « corps de lumière » comme étant le but du chemin spirituel. Elle se tourna vers le reste de l’équipe…

« Elle a raison, » approuva Carter. En réalité, est-ce que Sri Aurobindo n’était pas l’un d’entre eux ?

« Certes, concédai-je, je pense que quelque chose comme ça au moins faisait partie de ce vers quoi il tendait, mais qu’en aucun cas ce n’était là l’événement principal. Je continue à lire ? »

« Est-ce que tu viens de dire que Sri Aurobindo pensait que le but du chemin spirituel avait quelque chose à voir avec l’immortalité physique et le corps de lumière ? » demanda Andrew.

Je reconnus : « Eh bien… je ne suis moi-même pas encore complètement au clair là-dessus. D’après ce que j’ai lu, pourtant, il ne semble pas qu’il pensait que l’immortalité physique serait l’un des résultats de la transformation vers laquelle il tendait. Je veux dire, pour être honnête, qu’il parle beaucoup de la transformation du corps physique, mais qu’en fait je n’ai pas l’impression d’avoir très bien saisi encore cet aspect-là. Mais je crois que l’essentiel de la question, c’est qu’au cours de notre évolution future, tandis que des pouvoirs divins plus grands se mettront à travailler en nous, toutes les limitations, même les limitations physiques, seront en fin de compte transcendées.

« Ça n’a pas l’air d’être pour demain », remarqua Carter.
« Mais tu disais que ce n’était absolument pas l’événement majeur ; alors pour toi, c’était quoi, l’événement majeur ? Qu’est-ce qui t’a enthousiasmé à ce point là-dessus ?

« Eh bien, je crois que c’est vraiment ce que j’ai écrit au début – ce qui concerne sa vision ultime du dessein et du but de la quête spirituelle, son idée que nous pouvons créer une vie divine sur la terre. En fait, c’est exactement ce que je dis dans la suite de mon papier. Voilà ; je vais poursuivre, en sautant un peu plus loin. »
Si l’on tend vers un but spirituel au-delà ou en dehors de ce monde, il est très aisé de maintenir la nature de ce but dans un grand flou. Les mots tels que nirvana, éveil ou réalisation de Dieu, lorsqu’ils renvoient à un accomplissement élevé ou transcendant, peuvent signifier, disons, à peu près n’importe quoi. Mais, comme dans le cas de Sri Aurobindo, lorsque le but du chemin spirituel commence à être du registre de quelque chose qui doit se produire dans ce monde, les options se mettent à se réduire, et la cible a vite fait de commencer à se définir. Et pour Sri Aurobindo cette cible était parfaitement claire : il ne s’agissait de rien moins que de la transformation totale de l’être humain sur tous les plans. Par la consécration à la pratique de ce qu’il a appelé le « yoga intégral », ou le yoga appliqué à tous les aspects de la vie, il ressentait que les êtres humains pouvaient se purifier de toutes les tendances négatives, égotiques et, ce faisant, devenir ultimement les véhicules parfaits et sans taches de l’expression de la « conscience divine » en ce monde. C’était cela, pour lui, le saut évolutif où tendaient toutes les aspirations les plus hautes de l’humanité.

Pour Sri Aurobindo, toutefois, considérer seulement cette transformation extraordinaire comme une étape ultérieure de l’évolution humaine ne suffisait pas du tout à rendre compte du niveau de changement qu’il envisageait. Pour lui, une transformation aussi radicale de la conscience, et de la vie, ne pouvait se décrire de manière adéquate que comme la naissance d’un type d’être entièrement nouveau – une forme de vie qu’il désignait sous des appellations diverses : « l’être Gnostique », ou « l’être supramental », ou plus simplement parfois « le surhomme ».

Maintenant, si cette idée de la venue au monde d’une nouvelle sorte d’être vous fait vous demander comment vous avez atterri dans le rayon science-fiction, je peux vous assurer qu’autant que je puisse le dire, Sri Aurobindo ne suggère pas qu’on va apprendre à voler, ou voir les rayons X dans un proche avenir. Non, mais il suggère que si le prochain pas de géant de l’évolution sera effectivement la manifestation d’une vie divine sur la terre, et si la transformation radicale de la nature humaine elle-même est bien le moyen qui conduit à cette fin, alors le but que la Nature est en train d’atteindre dans la période actuelle semble bien n’être autre que l’émergence de ce qui sera, profondément, un type d’être complètement nouveau, un être en qui, comme il le dit : 

« Il ne saurait y avoir de place pour la satisfaction ou la frustration du soi limité, pas de place pour le bonheur et la souffrance tributaires du monde relatif, qui limitent et affligent notre nature limitée ; car ce sont là des choses qui appartiennent à l’ego et à l’ignorance, et non à la liberté et à la vérité de l’Esprit. »

Ayant totalement transcendé les mobiles étroits et narcissiques de l’ego, illuminé par la lumière et la vérité des niveaux de conscience les plus hauts, cet « être Gnostique » serait véritablement un vaisseau pur au travers duquel le Divin, dans toute sa gloire, pourrait se manifester librement en ce monde : 

« Un, en son soi, avec tout, l’être supramental recherchera le délice de la manifestation de soi de l’Esprit en lui-même, mais également le délice du Divin en tout : il aura la joie cosmique et sera un pouvoir qui apporte aux autres la félicité de l’Esprit, la joie d’être ; car leur joie sera partie prenante de sa propre joie d’être. »

J'explosai: « N’est-ce pas magnifique, ça ? C’est ça qui me passionne ! toute la question est là : qu’on a le potentiel de devenir des êtres véritablement inspirés par Dieu, motivés par Dieu, vivant une vie qui dépasse complètement l’ego. Je veux dire qu’on en perçoit tous la potentialité, non ? On le voit, les uns chez les autres, quand on est au mieux de nous-mêmes. Et on sait que c’est pour cela qu’on est ici, pour faire advenir cela. Et pourquoi d’autre est-ce qu’on serait ici ? De toute façon, je prêche à des convaincus, mais en lisant cette dernière citation, ça m’a frappé une fois de plus de voir à quel point ce qu’il montre est tout à fait extraordinaire. »

« Pour ce qui est de mon papier, je n’ai rien écrit de plus, mais la question que je veux traiter après, c’est le côté collectif de sa vision, parce que c’est là que tout conduit, en fin de compte. C’est à cette question qu’il consacre le plus clair du dernier chapitre de La Vie Divine. Ce qu’il dit au fond, c’est qu’il ne suffit pas que quelques individus supérieurement évolués soient simplement là en quelque sorte à transmettre l’amour et la lumière à tous les autres, mais que ce qui doit se produire, c’est qu’un groupe d’ « êtres gnostiques » se forme et commence à manifester un genre de vie collective complètement différente. Il décrit cela avec un luxe de détails incroyable. Il décrit comment, lorsqu’un groupe d’êtres sans ego s’assemble dans la connaissance de leur unité absolue les uns avec les autres et avec le tout, des lois complètement différentes s’appliquent ; toutes les structures, les institutions, les modes relationnels et les façons de réagir, individuellement comme collectivement, prennent forme grâce à ce qu’il a appelé la « Conscience de Vérité » ou la « Conscience Supramentale », et ce qui en résulte n’est en réalité rien moins qu’un « nouveau monde ». Vous voyez, c’est cela que je veux dire, que personne d’autre n’a écrit sur tout cela, et même : y a-t-il seulement quelqu’un qui le sache ? Vous voyez pourquoi je veux écrire ce papier ? »

Andrew leva les bras : « O.K, O.K, tu m’as convaincu. Tu as raison, il faut faire quelque chose sur Sri Aurobindo pour ce numéro. Alors, quand est-ce que tu pars pour l’Inde ? »

Carter nous interrompit : « Attendez. Avant qu’on termine, je voudrais seulement être sûr que j’ai bien compris l’histoire, parce que tu as dit qu’il a eu toutes ces grandes expériences pendant qu’il s’activait à diriger la révolution : mais il n’a pas tout bonnement continué à diriger la révolution au milieu du déploiement de cette révélation, si ? On pourrait penser que la vie spirituelle l’ait finalement extrait de tout cela… »

« Sur ce point, que tu le croies ou pas, il a continué à la diriger pendant un bon bout de temps, même après ces expériences. Même pendant le déroulement de cette grande expérience du nirvana que j’ai mentionnée, il a visité un atelier de fabrication de bombes et prononcé quelque chose comme quinze discours politiques. On a dit que ce sont les meilleurs qu’il ait jamais prononcés. Pourtant, il a effectivement fini par se retirer de la révolution. En 1910, il apprit que les Britanniques allaient de nouveau l’arrêter, et il a fui Calcutta pour aboutir en fin de compte à Pondichéry, un comptoir français qui offrait un asile aux combattants de la liberté. Ce qui se produisit là-bas, à ce qu’il paraît, c’est qu’il s’enflamma tellement pour la vision spirituelle qu’il était en train de découvrir qu’il perdit tout intérêt pour la lutte révolutionnaire. Il vécut là, à Pondichéry, jusqu’à la fin de sa vie, s’adonnant à sa propre pratique spirituelle, guidant les autres dans la leur, et couchant sur le papier ses enseignements sur le Yoga Intégral. »

« Quelle histoire, » dit Amy, « plus tu en entends, et plus tu as du mal à croire qu’il s’agissait bien du même type ».

« Ouais, répondis-je, et j’ai l’impression que là-bas d’où c’est venu, il y en a bien plus encore. C’est pour ça que ce serait super d’aller voir l’ashram. Est-ce que vous saviez qu’ils considèrent en réalité cet ashram comme un « laboratoire de l’évolution ? » Il y a mille six cents personnes qui y vivent, dont certaines depuis les premiers jours. Je suis sûr qu’ils vont en avoir un paquet à dire sur Sri Aurobindo et le Yoga Intégral, et aussi sur l’évolution, avec un peu de chance. »
Pourquoi Sri Aurobindo est cool...

La Mère

Pour la plupart d’entre nous, parler d’un ashram indien n’évoque pas précisément un tableau dynamique. On va sans doute penser à des swamis barbus en robes oranges, qui chantent des mantras devant des statues de dieux et déesses hindous, à des rassemblements matinaux pour la méditation et le chant des bhajans, à un genre de vie paisible, simple et contemplatif. Mais franchissez les grilles de l’Ashram de Sri Aurobindo, et vous voilà embarqué dans un tout autre voyage. En réalité, à mon arrivée à l’ashram sous le soleil d’une matinée de novembre, je ne découvris pas de swamis intériorisés mais des hommes et des femmes, des garçons et des filles énergiques, vêtus non de robes orange mais de polos et de shorts kaki ! Bon, si vous n’avez jamais voyagé en Inde, que tout le monde dans un ashram porte des shorts kakis, cela ne va peut-être pas vous dire grand-chose, mais pour qui a traîné son sac à dos dans ce pays socialement conservateur, c’est tout à fait incompréhensible. N’importe quel guide qui vaut son pesant de papier vous l’apprendra : à moins de vouloir mordicus scandaliser les gens du pays, vous ne devez pas porter de shorts.

« Qu’est-ce qui se trame avec ces shorts ? » me demandai-je.

Une visite à la réception de l’ashram, ma première étape de la journée, eut tôt fait de m’apporter la réponse grâce à l’homme qui se tenait derrière le comptoir : « L’idée de porter des shorts est venue de la Mère. Elle a institué cela au début des années quarante. A l’époque, cela a été un sujet de vives controverses, mais de nos jours c’est tout à fait acceptable partout en ville. Vous savez, la Mère était un vrai pionnier, et elle a marqué de son empreinte tous les domaines de la vie. Vous en savez beaucoup sur elle ? »

« J’ai lu certains de ses livres », répondis-je.

Mais comme ses photos paraissaient occuper plus d’espace encore sur les murs de l’ashram que celles de Sri Aurobindo lui-même, je réalisai que j’allais probablement en apprendre bien plus sur elle les deux jours suivants.

A ne pas confondre avec sa mère à lui, allai-je apprendre, la Mère était un peintre français et une musicienne nommée Mirra Richard qui, lorsqu’elle se présenta sur le seuil de la maison de Sri Aurobindo en 1914, le reconnut aussitôt comme étant l’enseignant spirituel qui lui apparaissait dans ses visions depuis l’âge de dix ans. Mirra était une occultiste parfaitement accomplie qui, selon ses propres dires, « faisait le yoga » depuis l’âge de quatre ans et, pendant le plus clair de sa vie, s’était élevée hors de son corps pendant la nuit. Elle avait étudié avec de grands maîtres de l’occultisme en Algérie et avait dirigé des groupes d’études ésotériques à Paris, avec d’aussi prestigieux participants que la célèbre tibétologue Alexandra David Neel. Peintre et appartenant à l’élite artistique de Paris, ayant rencontré durant sa jeunesse des gens comme Rodin et Matisse, elle était une femme d’une culture extraordinaire.

Entendre le mot « occulte », pour la plupart d’entre nous, fait penser à des séances de spiritisme, à des sortilèges, du oui-ja et autres pratiques mystérieuses plus ou moins lugubres à la lueur de chandelles. Et s’il est avéré que la Mère n’a point négligé ces expériences, ce qu’elle appelait occulte était d’un tout autre ordre. Ses diverses « missions sur terre » comprenaient des tâches aussi formidables que de vaincre ou « convertir » les quatre grands asuras ou forces démoniaques, qui tiennent le monde sous leur emprise (elle parvint, c’était commode, à se marier avec l’un d’eux). Par-dessus tout, elle avait reconnu très jeune qu’une tâche l’attendait, qu’on ne pouvait qu’appeler « spirituelle » par nature. Comme elle le dit elle-même « entre onze et treize ans, une série d’expériences psychiques et spirituelles me révélèrent non seulement l’existence de Dieu mais aussi la possibilité qu’a l’homme de s’unir à Lui, de Le réaliser intégralement dans la conscience et dans l’action, de Le manifester sur terre dans une vie divine. » Pas étonnant dans ces conditions que lorsqu’elle finit par rencontrer Sri Aurobindo physiquement, l’impact ait été profond. Comme elle l’écrivit le lendemain dans son journal, « Peu importe que des milliers d’êtres soient plongés dans l’ignorance la plus dense, Celui que nous avons vu hier est sur terre ; sa présence suffit à prouver qu’un jour viendra où l’obscurité sera transformée en lumière, et où Ton règne sera définitivement instauré sur la terre. »

La première visite de Mirra à l’ashram, toutefois, tourna court. Au bout d’un an lorsqu’éclata la première guerre mondiale, elle repartit avec son mari, appelé sous les drapeaux. Mais à son retour définitif en Inde en 1920, Sri Aurobindo apparemment reconnut très vite ses extraordinaires capacités spirituelles et se trouva bientôt lié à elle comme à une sorte de confidente et collaboratrice. Impressionné par sa remarquable inclinaison vers ce qui est pratique, il lui donna au bout de quelques années carte blanche pour planifier, construire et diriger son ashram qui grandissait, pour lui confier finalement la charge de pourvoir à la direction spirituelle personnelle des disciples. Et c’est qu’elle le dirigea… Comme me le dit plus tard Michael Murphy, qui la connut personnellement, « Elle vous bottait les fesses. Véritablement. C’était une forte personnalité. Elle était fine. Elle était un authentique bâtisseur, une femme d’affaires, d’une grande capacité. Et elle avait la réalisation spirituelle. Elle menait tout cela à la baguette. » Je devais découvrir qu’en fait, au long des cinquante-cinq ans de sa vie à l’ashram, c’est l’influence de la Mère, bien plus encore que celle de Sri Aurobindo, qui fut la force qui guida la croissance et le développement de cette communauté spirituelle bourgeonnante, et qui guida aussi le travail du yoga intégral dans son ensemble.

Au cours de ma première journée, grâce à l’aide de deux vétérans de l’ashram qui se portèrent volontaires pour m’en faire faire le tour, j’eus la chance de parler avec un large échantillon de personnes du rôle puissant que joua et continue de jouer cet invraisemblable gourou venu de Paris. Plus tard ce soir-là, la tête encore tourbillonnante de tout ce que j’avais entendu, je me joignis à la méditation commune du soir. Je commençais tout juste à m’y plonger lorsque mon portable sonna. « … de Dieu, c’est pas possible, j’ai oublié de l’éteindre ! » Je me maudis tout en courant sur la pointe des pieds au milieu de la masse de méditants silencieux, tentant d’atteindre la porte avant la sonnerie suivante.

« Devine qui c’est !? » s’exclamèrent en chœur Andrew et mes collègues. « Qu’est-ce qu’il se passe au laboratoire ? »

« Bon », ai-je fait, ne sachant pas trop par où commencer,
« il y a beaucoup à ingérer. Les gens sont tous vraiment chouettes, et ils se sont montrés extrêmement serviables. Et pour autant que je puisse dire, ils semblent pratiquement tous profondément dévoués.

« A l’évolution ? » demanda Carter.

« Ben, je pense que oui, au moins certains d’entre eux, répondis-je, mais ce qui est cent fois plus évident, c’est leur dévotion pour la Mère.»

« La Mère ? » Ils avaient des voix d’ahuris.

« Ouais. Moi non plus, je n’avais pas idée du rôle gigantesque qu’elle a joué ici. Je veux dire que si l’on en juge par l’apparence, ils sont bien plus attachés à elle qu’ils ne le sont même à Sri Aurobindo. »

« Cela pourrait être parce qu’elle a été là pendant vingt ans après qu’il soit mort, et que les gens ont eu davantage de contacts avec elle… » suggéra Amy.

« Je pense que cela a probablement à y voir, mais il y a plus là-dessus. Vous voyez, apparemment Sri Aurobindo a dit à tout le monde que la dévotion et l’abandon de soi à elle, qui est la Mère Divine sur la terre, était un élément crucial du chemin. »

« Ca donne l’impression qu’on la considérait vraiment elle-même comme un maître spirituel puissant », commenta Elizabeth.

« Cela ne fait aucun doute. En fait, Sri Aurobindo a même dit que lui-même et la Mère étaient « une seule Conscience », et tout le monde ici est convaincu que tous les deux sont des avatars descendus du ciel pour apporter la « conscience supramentale », ou qu’en réalité les deux ensemble ne forment qu’un seul avatar, ou quelque chose comme ça. Mais je peux dire qu’à la façon dont les gens parlent de leur vécu auprès d’elle, il est évident qu’elle les touchait vraiment profondément. Je ne vois pas où j’ai rencontré une dévotion aussi intense. »

« Je me demande pourquoi on n’en a pas su davantage sur l’influence de la Mère, dit Elizabeth, est-ce qu’il y aurait eu un manque essentiel dans notre recherche ? »

« Cela se pourrait, répondis-je, mais Georges Van Vreckhem qui a écrit leurs biographies m’a dit aujourd’hui que presque personne en Amérique ne prête vraiment attention à la Mère, et je ne sais pas trop pourquoi. »

« Eh bien, on dirait qu’une aventure prend corps, » conclut Andrew. « Ce sera super de voir où en sont les choses dans un jour ou deux ».
Yoga Intégral

J’avais passé presque toute ma première journée à suivre un cours accéléré sur la Mère, et j’étais prêt, la seconde après-midi, à revenir à Sri Aurobindo. Me documenter sur sa vie extraordinaire avait été une chose, mais là j’allais finalement avoir l’opportunité de rencontrer quelqu’un qui l’avait connu pour de bon. En tout cas, cela y ressemblait. J’avais rendez-vous cet après-midi là avec un homme que Sri Aurobindo avait appelé Amal Kiran, c’est-à-dire « le clair rayon » ; c’était un poète, auteur et critique culturel hautement respecté, plus connu sous le nom de K.D.Sethna, qui s’était installé à l’ashram en 1927. Il était arrivé là-bas quand il n’y avait encore qu’une poignée de disciples, et naturellement on pouvait penser qu’Amal aurait eu une relation personnelle proche avec le Maître. Alors, quand il me dit qu’en fait il n’avait jamais entendu la voix de Sri Aurobindo, j’ai été un peu déconcerté, jusqu’à ce que je me souvienne d’avoir lu qu’en 1926 Sri Aurobindo s’était retiré dans la solitude et qu’ensuite, hormis la Mère, d’occasionnels VIP et une poignée de praticiens qui l’aidèrent à guérir d’une blessure, personne n’avait entendu sa voix. A cette époque, si vous vouliez avoir une relation avec Sri Aurobindo en dehors des trois darshans (audiences avec le Maître) annuels, il n’existait qu’un moyen : lui écrire. Et il répondait, du moins presque à chaque fois. J’appris qu’Amal était un de ceux qui écrivaient le plus. En fait, poète de renom, il eut la grande chance d’entreprendre une correspondance suivie avec Sri Aurobindo sur la création de l’épopée écrite par le Maître, Savitri. Et Amal, avec l’aide de Sri Aurobindo, avait également cultivé l’art de la « poésie d’en haut » même si, de son propre aveu, il n’avait guère pu écrire depuis les plans de conscience vraiment les plus élevés.

Agé aujourd’hui de quatre-vingt dix-sept ans, Amal était sans l’ombre d’un doute la présence la plus rayonnante que je devais rencontrer pendant mon séjour là-bas. Dès le début, j’avais pris conscience que je discutais avec quelqu’un qui avait pratiqué pendant soixante-quinze ans le Yoga Intégral, et je ne perdis pas de temps sur l’histoire ou la philosophie. Quelle était l’essence de la pratique ? Je voulais savoir. Amal n’eut pas une seconde d’hésitation.

« On doit aborder ce chemin dans un esprit de complet abandon de soi spirituel, » expliqua-t-il. « Il ne s’agit pas de s’accomplir personnellement, mais de se prêter soi-même à ce que veut le Divin Suprême. Dans l’exercice quotidien de ses fonctions, se souvenir du Divin et s’offrir au Divin. Et tout au long de ce chemin du don de soi, c’est le Divin qui va décider jusqu’où l’on va aller. On doit approcher le Divin dans un état d’esprit qui dit : “ Quoi que Tu veuilles, fais-le ; fais de moi ce que Tu veux que je sois, et non pas ce que je peux rêver d’être. ” C’est dans cet esprit qu’on doit pratiquer le Yoga. »

Au cours de mon échange avec Amal cet après-midi-là, nous avons largement embrassé l’espace du Yoga Intégral, et je me mis pour la première fois à percevoir le niveau d’implication que requiert la pratique de ce chemin intégral, que Sri Aurobindo avait jugé « plus difficile que n’importe quel autre . »

Ma conversation avec Amal s’était prolongée pendant toute l’heure du dîner à l’ashram et, au désespoir de trouver une nourriture occidentale, je tentai ma chance dans l’un des restaurants italiens du front de mer. Au beau milieu d’un plat de pâtes aux œufs les plus aqueuses que j’aie jamais vues, mon téléphone sonna de nouveau. A coup sûr, c’était l’équipe de chez nous.

« Je rencontre des gens incroyables », commençai-je, « vous vous souvenez de K.D. Sethna, ou Amal Kiran, ce célèbre écrivain indien dont je vous ai parlé, qui était disciple de Sri Aurobindo et qui avait entretenu une longue correspondance avec le père Bede Griffith, ce vénéré sannyasin chrétien ? On a passé une heure ensemble cet après-midi, et il était magnifique. Quatre-vingt dix-sept ans, plus ou moins immobilisé dans un fauteuil roulant à l’infirmerie de l’ashram, mais totalement présent, éveillé, affûté comme un rasoir, et irradiant quelque chose d’extraordinaire. Je veux dire que la présence dans la pièce, à la fin de notre entretien, était profonde. »

« Vous avez parlé de quoi ? » demanda Elizabeth.

« Du Yoga Intégral. Je crois que je commence à mieux m’y retrouver. Vous voyez comment on n’a jamais vraiment pu saisir ce qu’était le Yoga Intégral ? »

« Ouais », répondirent-ils.

« Je pense que c’est parce qu’on essayait de découvrir quelque chose comme une liste de pratiques, alors qu’il n’y en a pas une seule. »

« Un yoga sans pratique ? Ça doit faciliter le recrutement ! » plaisanta Andrew.

« Non, ce n’est pas qu’ils ne pratiquent rien ; je crois vraiment que chacun a une sorte de pratique, que ce soit la méditation, un mantra, la contemplation ou n’importe. Mais la question est qu’il ne s’agit pas des pratiques en elles-mêmes mais d’une attitude intégrale par rapport à la vie. Le but de Sri Aurobindo était d’accomplir la transformation totale de l’être humain sur tous les plans, et en plus, celle de la vie dans son ensemble ; et c’est pourquoi il a créé un « yoga du changement du monde, ou du changement de la Nature », une approche du chemin spirituel qui puisse s’appliquer à chaque aspect de la vie. »

« Qu’est-ce que ça veut dire pratiquement ? » demanda Amy.

« Tel que je le comprends, le Yoga Intégral est fondamentalement un ensemble de principes qui guide les gens tout le temps, en toutes circonstances. Je veux dire… Il a écrit là-dessus de différentes façons, et cela comporte de nombreuses dimensions, mais dans son essence, c’est en fait un yoga simple. Cela revient à trois choses, qu’il a appelées aspiration, rejet et soumission ou abandon de soi.

Donc, tout d’abord, on doit aspirer à une seule et unique chose : réaliser le Divin de tout son être. Et bien que cette aspiration puisse ne consister au début qu’en un simple acte mental de volonté et d’intention, il doit finalement provenir d’un lieu bien plus profond, de la soif de votre âme pour cette perfection divine. Ensuite, lorsqu’il parle de rejet, il dit que vous devez rejeter, au-dedans de vous-même comme au dehors, tout ce qui pourrait faire obstacle à l’accomplissement de votre aspiration. Il est clair qu’au début, la subtilité de ce qui est ou non à rejeter peut ne pas être bien évidente. Mais si votre aspiration est authentique, vous arriverez très vite en un lieu où il est facile de voir directement ce qui vous aide et ce qui vous freine. Ainsi, votre aspiration est testée, car il vous faut vouloir faire le juste choix. »

« Alors, où est-ce que la soumission, l’abandon de soi, prend place dans l’équation ? » demanda Carter.

« Eh bien, d’après lui, l’abandon de soi est le plus important des trois. Parce qu’en fin de compte, tout l’objet du Yoga Intégral est de devenir un véhicule pur, de sorte qu’une Force Supérieure puisse s’en emparer et commencer à vivre en vous et à travers vous. Il se montre très précis là-dessus. Il dit qu’il n’est pas suffisant de vouloir vous ouvrir totalement au Pouvoir Divin, de vouloir l’expérience de sa gloire : vous devez vouloir devenir son serviteur de cœur. Parce que, telle qu’il la voit, la Conscience Divine a sa propre volonté, sa propre loi d’une certaine façon, en accord avec la plus haute Vérité, et en fin de compte, la seule façon qu’on ait de créer une vie divine est de vivre parfaitement en accord avec cela, c’est d’être pleinement offert à cela – et pas d’une quelconque manière passive, mais en s’y abandonnant activement, en lui donnant notre vie entière. »

« Tu as raison, c’est puissant, dit Amy. Simple, mais profond. »

« Ouais, et là où ça devient vraiment intéressant, continuai-je, c’est quand il se met à parler de transformation. Pour Sri Aurobindo, trois transformations distinctes doivent intervenir : la transformation psychique, spirituelle, et supramentale. Je n’ai pas encore saisi la transformation supramentale, alors je ne vais même pas tenter de l’expliquer. Quant à la transformation spirituelle, c’est, je pense, ce que la plupart d’entre nous ont à l’esprit quand nous parlons d’éveil ou de réalisation du Soi. C’est la réalisation de l’Infini, du Soi Absolu, ou du Fondement de l’Être. Mais il y a quelque chose d’unique dans ce qu’il appelle la transformation psychique, particulièrement en relation à l’évolution. Pour Sri Aurobindo, c’était la clef de tout le chemin.

« Apparemment, au début de son enseignement, et pendant plusieurs années encore, il enseignait aux gens comme on l’avait fait pour lui, en essayant de les conduire à l’expérience du mental silencieux, dans l’espoir sans doute que cela les conduirait à une percée dans le nirvana et au-delà, du même genre que la sienne. Mais au milieu des années 20, en se fondant sur les découvertes de plusieurs années de travail avec les gens, il déplaça radicalement l’accent. Dans ce déplacement, il se mit à insister, en la mettant au tout premier rang des priorités, sur la découverte de ce qu’il a appelé « l’être psychique » ou « l’âme ». Il faut dire qu’aujourd’hui particulièrement, on utilise le mot « âme » pour faire référence à quantité de choses différentes. Mais Sri Aurobindo l’entendait dans un sens très spécifique en disant, pour l’essentiel, qu’il y a en chacun de nous une étincelle du Divin, ou une graine, qu’on pourrait appeler notre vrai moi ou, comme il le disait parfois, notre « être véritable ». Et bien que cet être véritable soit habituellement obscurci ou voilé par la personnalité extérieure et l’identité de l’ego, on peut ressentir ses incitations, qui sont nos aspirations et impulsions spirituelles, même en cet état voilé. L’important à propos de cet être psychique, c’est que selon lui, puisque sa nature est le Divin même, il ne veut pas seulement notre évolution vers la perfection, mais il en connaît aussi parfaitement le chemin. Et c’est pour cela qu’il insiste tant là-dessus, parce qu’une fois que l’âme, ou être psychique, vient en avant ou émerge dans l’individu, il se produit une aspiration dynamique naturelle qui prend le pas sur toutes les résistances de l’ego et de la nature inférieure. C’est comme si l’ego se faisait jeter du siège du conducteur pour que Dieu s’empare du volant, en tant que vous. Et lorsque cela se produit, le chemin change complètement ; on aspire alors et on évolue toujours vers le haut. Les choix à faire dans cette direction apparaissent clairement, et toute la passion et l’intérêt sont là pour faire les choix justes. Alors, à partir de là, il ressentait que le reste du chemin pouvait se dévoiler de manière organique et sans grande difficulté. Au cours de notre entretien, Amal ne pouvait s’arrêter d’en parler et je pourrais dire que pour lui, c’est cela qui avait tout changé. Il disait que c’était comme un renversement dans une dimension complètement différente. Et lorsque je lui ai demandé comment se déroulait maintenant son expérience, il dit
simplement : « il y a une chaleur et un rayonnement dans le centre du cœur », et l’on sentait que cela émanait de lui. »

Un bref silence, et Carter dit d’une voix forte : « C’est un enseignement sérieux, et Amal a tout l’air d’être un sacré bonhomme. Il semble bien que Sri Aurobindo ait produit beaucoup d’effet sur les gens. »

« C’est sûr, approuva Andrew. Tout cela donne l’impression que tu es déjà dans la profondeur ; pourquoi ne pas voir si tu peux te faire une idée du “ supramental ”, et on en reparle demain soir ? »

Pourquoi Sri Aurobindo est cool...

Le Supramental

Ma mission pour le lendemain était claire. Bien que j’aie réussi à saisir beaucoup de la vision de Sri Aurobindo sur l’évolution, et au moins les rudiments du Yoga Intégral, ce que pouvait bien être le supramental m’échappait encore, en quelque sorte. Au cours des nombreuses conversations que j’avais eues jusque là, les gens s’étaient souvent référé à une « nouvelle conscience », que ceux qui vivent dans l’ashram ressentent comme une présence qui anime leur vie spirituelle collective. Et j’avais bien le sentiment que c’était lié quelque part à ce que Sri Aurobindo désignait sous l’appellation de « conscience supramentale », mais je ne pouvais en être tout à fait sûr. Et puis il y a cet événement énigmatique qu’on appelle « la descente du supramental », ou parfois « la manifestation supramentale », qui semble occuper une place centrale dans l’histoire de la communauté. Il me fallait découvrir de quoi il retournait et, plus important encore, pourquoi c’était important.

Toute la journée, dans des conversations avec mes hôtes, Richard Pearson et Kailash Jhaveri, puis avec une étoile montante du monde des conférenciers indiens, Sraddhalu Ranade, j’allais avoir la chance d’explorer tout ce qui me posait question, si bien qu’au soir il m’apparut avec bien plus de clarté pourquoi, dans la communauté du Yoga Intégral, on parlait du supramental avec tant de respect.

J’allais apprendre que pour Sri Aurobindo et la Mère, c’était ce degré de conscience extrêmement élevé et puissant qui détenait la clef du potentiel d’évolution collective de l’humanité. Et à l’heure de mon coup de fil du soir, j’étais impatient de communiquer à mes collègues ce que j’avais appris. Mais Carter avait un autre plan.

Avant que j’aie pu placer un mot, il lança tout de go : « Hé, je crois que les X Files viennent de trouver une sérieuse concurrence : tu as lu le livre de Van Vrekhem Au-delà de l’espèce humaine?

« En partie. » Je me demandais où il voulait en venir.

Il enchaîna : « Est-ce que tu es tombé sur ce chapitre sur Sri Aurobindo et la Mère combattant avec leurs pouvoirs psychiques lors de la seconde guerre mondiale ? Van Vrekhem dit, sans équivoque aucune, que Sri Aurobindo comme la Mère ont eu un poids énorme sur l’issue de la guerre en mettant du côté des Alliés leur force spirituelle. »

« Je dois avoir manqué cet aspect-là, car en fait j’ai passé le plus clair du temps à lire la biographie de Peter Heeth, et il ne mentionne nulle part quelque chose comme ça. »

Cela plaisait à Carter. « Par exemple, il affirme qu’habituellement, Sri Aurobindo influençait psychiquement la pensée de Churchill, et qu’en fait, c’était lui qui se trouvait derrière ces discours inspirés. Et il influait aussi sur la stratégie militaire. »

« Tu veux rire, dit Andrew avec un rien d’exaspération, est-ce que Sri Aurobindo a réellement dit ça ? »

« Pas exactement ; on dirait que Van Vreckhem fait pas mal d’inférences, nous rassura Carter, mais vous n’en avez entendu que la moitié : selon lui, tous les coups que jouait Hitler étaient guidés par un démon qui lui apparaissait dans sa chambre. Une nuit, la Mère a maîtrisé sur les plans occultes pour un temps ce démon et a pris sa forme pour apparaître à Hitler et lui donner pour instruction d’attaquer la Russie ; erreur essentielle, comme nous le savons tous, qui affaiblit le front à l’Ouest et en fin de compte lui a fait perdre la guerre. »

« Hé, j’ai lu un jour dans un livre un truc sur la façon dont cette décision a été prise, ajouta Amy, je n’arrive pas à me rappeler les détails, mais c’était comme s’il y avait eu cette nuit-là une histoire de fantômes, comme si Hitler avait vraiment perdu la tête. »

« C’est bien peu dire », remarqua Andrew.

« Bon, ce que je veux savoir, interrompit Elizabeth, c’est comment tout cela colle avec l’extraordinaire vision de l’évolution qu’avaient Sri Aurobindo et la Mère ou, à ce propos, avec le Yoga Intégral. Contrôler les pensées de gens et vaincre des démons… ? Je veux dire : cela ne tient peut-être qu’à moi, mais je trouve un peu difficile de faire coller tout cela. »

« En fait, annonça Carter, je pense que c’est très simple : tu vois, la Mère s’intéressait à l’occulte depuis le premier jour, et il n’est pas surprenant qu’elle ait encore été dans ce domaine à l’ashram. Je veux dire que nombre de chercheurs spirituels sont fascinés par le paranormal : tu vois combien de nos amis spirituels sont allés voir Le sixième sens. Quant à Sri Aurobindo, il était indien. Il était dans le monde du yoga, et tout cela, est-ce que ça ne fait pas précisément partie de la tradition du yoga, l’idée qu’on peut développer ces pouvoirs supranormaux, ou siddhis ? Je ne sais si elles sont vraies ou non, mais ce genre d’histoires courent autour des gourous indiens : à ce propos, vous avez lu Autobiographie d’un Yogi ?

« Je suis d’accord, dis-je, de toute façon, si l’on a véritablement des pouvoirs, je ne vois pas de meilleure cause pour en faire usage que de sauver le monde de Hitler. »

« Oh, et autre chose encore, continua Carter, on dit aussi ici qu’en fait ce sont les forces du mal qui ont provoqué la guerre, pour tenter de faire obstacle à la “manifestation supramentale » que Sri Aurobindo et la Mère essayaient de faire advenir grâce à leur yoga.”

« C’est ça, fit Andrew, plus de X Files pour vous, les mecs. »

« Un instant, je veux y voir clair. » Elizabeth s’interrompit. « Tu prétends que l’ascension de Hitler était une sorte de réponse satanique à ce qu’ils faisaient, dans un petit ashram de l’Inde du sud ? »

« Je te raconte seulement ce que dit le livre », répondit Carter.

« Tout ce que je peux dire, c’est que je suppose que cela a été une bonne chose qu’ils arrêtent la guerre à ce moment-là, puisque apparemment ce sont eux qui en portaient initialement la responsabilité, » conclut Andrew en riant.

Amy tenta de nous ramener au sujet : « Tu ne disais pas quelque chose sur une manifestation supramentale ? »

« Ouais, Craig, tu as pu découvrir de quoi il retourne, avec la manifestation supramentale ? » demanda Carter.

« Van Vrekhem en parle beaucoup dans son livre, et pour être honnête, je vois bien pourquoi vous étiez un peu perdus là-dessus. »

« Je croyais que vous n’alliez jamais poser la question, répondis-je. J’en ai parlé toute la journée avec des gens, et je crois que finalement je commence à saisir. C’est un truc puissant. »

« Super. Eclaire-nous. » Andrew, au ton de sa voix, paraissait soulagé de changer de sujet.

« O.K. ça va peut-être paraître un peu complexe, car je sens que je commence tout juste à avoir prise, mais fondamentalement, la première chose à comprendre, c’est que pour Sri Aurobindo, et pour la Mère, ce Supramental était vraiment tout. Je veux dire que la manifestation supramentale constituait l’événement majeur de tout ce qu’ils tentaient de faire advenir. Ils sentaient que c’était cela qui ouvrirait vraiment la porte pour que la vie divine vienne à l’existence sur terre. »

« Et ça, c’est quoi exactement ? » demanda Carter. « C’était quoi, qu’ils essayaient de faire ? »

« O.K, bon, il vous faut d’abord comprendre le Supramental même, puis on en viendra à la manifestation.

Vous vous rappelez de l’expérience de Sri Aurobindo à l’époque de son emprisonnement ? Eh bien il semble que ce que je vous ai lu n’était que le début de toute une série d’expériences qui se déroulèrent pendant l’année qu’il passa en prison. C’est au cours de cette période qu’il commença à explorer ce qu’il appelait les domaines ou les plans de conscience qui existent au-dessus du mental. Il dit qu’il y avait une succession de ce qu’il a appelé les « plans supérieurs », qui vont en progressant depuis le Mental Supérieur, puis le Mental Illuminé, puis le Mental Intuitif, puis le Surmental. Et au sommet de tous ces plans ou niveaux de conscience, il dit qu’il existait un niveau qu’il a appelé « le Supramental » ou : « la Conscience Supramentale ».

Alors, la question, et c’est là le côté intrigant de la chose à mon avis, c’est que ce Supramental n’était pas la même chose que l’infini, le vide, le statique, l’Absolu, conscience pure et indifférenciée vers laquelle tendent la plupart des mystiques, et qu’il considèrent comme le niveau le plus élevé : ce n’était que l’échelon juste au-dessous. Ou plutôt, c’était une sorte de plan-lien, de pont entre la Conscience absolue et tout le domaine de la manifestation, de la diversification au-dessous. »

« Tu as dit un “plan-lien”, demanda Elizabeth, conceptuellement je peux en quelque sorte le saisir, mais est-ce que tu as une idée de ce que cela signifie en réalité ? »

« Bon, je ne sais pas si moi aussi je comprends exactement ce que “plan-lien” veut dire, et j’ignore si Sri Aurobindo a lui-même effectivement fait usage de ce terme, continuai-je. Mais ce qui compte dans cette idée de lien ou de pont, malgré tout, c’est que, de manière très significative, ce niveau de conscience réunissait ce qui était au-dessus de lui et ce qui était au-dessous. En d’autres termes, le Supramental est ce qui, tout en étant pleinement conscient du Fondement de l’Etre indivisé et non manifesté, perçoit en même temps la plénitude, la richesse et la multiplicité de la réalité manifestée, sans qu’il y ait aucune contradiction entre les deux. Il voit l’Unité Ultime de tout au sein de la diversité même. Il possède une vision d’une plénitude parfaite et, dans cette vision, il unifie tout.

Ce qui rend cela si intéressant, en particulier en termes d’évolution, c’est que non seulement Sri Aurobindo décrit le Supramental comme ce qui voit l’unité au sein de la diversité, mais qu’il en a parlé comme d’un Pouvoir Conscient. Il s’agit d’un pouvoir immense, conscient, unificateur, qui contient un potentiel inimaginable de transformation. Et ça, je pense, c’était la clef essentielle, parce qu’il sentait véritablement que si l’on pouvait « faire descendre » ce pouvoir dans le monde physique, il pourrait transformer la vie telle que nous la connaissons. Et c’était cela toute la question de la « manifestation supramentale », et la Mère et lui travaillaient à la faire descendre. »

« Et “la faire descendre”, ça veut dire quoi ? » demanda Carter.

« C’est à cette question que personne n’a l’air d’être à même de répondre. Ce que je sais avec certitude, c’est qu’en 1926, après une grande percée dans le yoga, qu’il appela “la descente du Surmental” – qui est apparemment le plan situé au-dessous du Supramental – il se retira en complet isolement pour le restant de ses jours afin d’être à même de se consacrer totalement à faire descendre ce pouvoir supérieur dans la « conscience terrestre ». La chose importante à saisir ici, c’est qu’il ne faisait pas que de tenter cela pour lui-même : il a dit que s’il avait juste essayé de faire descendre ce pouvoir en lui, cela aurait été facile. Non : tout ce qu’il faisait dans sa chambre pendant toutes ces années, il sentait que cela aurait des implications pour la transformation de l’espèce entière, du monde entier. Il est difficile de savoir avec certitude comment de façon précise il pensait que cela se produirait mais, d’une façon ou d’une autre, il allait changer la conscience, et même la substance même de tout un chacun sur la planète. »

Andrew demanda : « C’était cela, toute la question de l’accent mis sur le corps ? Et l’idée d’immortalité ? »

« A coup sûr, cela paraît en avoir fait partie. Je veux dire qu’il pensait pour de bon que cette conscience supramentale allait changer tout, jusqu’au niveau cellulaire, et même jusqu’à la structure même de la matière. Là, on est en train de parler d’une absence de limites sur tous les plans imaginables. »

« Ouf, fit Carter. Pour parler transformation, pas étonnant qu’il ait appelé ça l’émergence du surhomme. »

« Alors, à la fin, il s’est passé quoi ? continua Elizabeth, est-ce qu’il l’a fait ? Est-ce que Sri Aurobindo a fait descendre le supramental ? »

« Ben non. »

« Non ? » dit Amy. Il y avait de la déception dans sa voix : « Qu’est-ce que tu peux être rabat-joie ! Merci pour ce grand développement, Craig… »

« Attends ! J’avais pas fini ! Il ne l’a pas fait lui, mais d’après tous les gens d’ici, la Mère l’a fait. »

Ils lancèrent tous d’une seule voix : « La Mère ? »

« Oui ; mais avec son aide. D’après elle, il aurait pu continuer à vivre, mais il est mort à dessein, de façon à pouvoir aller travailler de l’autre côté, lui laissant à elle le soin de travailler d’ici ; et six années plus tard les deux ensemble firent que le grand événement se produisit. »

« Alors, que s’est-il passé? » demanda Carter.

« En fait, je ne sais pas. Désolé. J’aurais aimé poursuivre un peu plus avant, mais je crois que j’étais si excité d’appréhender enfin ça que j’ai raté quelques points évidents. Mais il me reste encore un entretien : c’est avec Peter Heehs, cet historien qui a écrit la grande biographie de Sri Aurobindo. Je suis sûr qu’il pourra me raconter toute l’histoire. »

Pourquoi Sri Aurobindo est cool...

La Manifestation du Supramental

Le lendemain matin, pour préparer mon entretien avec Heehs, je m’aventurai du côté de la bibliothèque de l’ashram pour voir ce que je pourrais découvrir sur ce prodigieux événement par lequel, m’avait-on dit, la Mère « avait fait se manifester le Supramental “dans l’atmosphère terrestre” ». Là, au milieu des archives, j’appris qu’après le décès de Sri Aurobindo en 1950, la Mère avait entrepris une immersion intense dans ses efforts yoguiques propres, une immersion à ce point profonde qu’à un moment elle mit même en garde les gens : ils ne devaient pas la toucher tant la force qui la traversait était puissante (affirmation dont on rapporte que la preuve fut apportée lorsqu’un disciple toucha accidentellement son doigt et fut mis K.O. par la puissance de la force.)

C’est au milieu de cet effort yoguique intensif qu’advint, le 29 Février 1956, le « Jour d’Or » sans précédent et tant attendu. Comme on le raconte, c’était un Mercredi soir ordinaire, et tous les disciples s’étaient rassemblés au terrain de jeux de l’ashram pour les entretiens hebdomadaires de la Mère et la méditation. Mais comme elle l’écrivit plus tard dans un message à ses disciples, ce qui se produisit en ce jour décisif allait bien au-delà d’une méditation : 

Ce soir, la Présence Divine, concrète et matérielle, était là, présente au milieu de vous. J’avais une forme d’or vivant plus grande que l’univers, et je faisais face à une porte d’or énorme et massive, qui séparait le monde du Divin. Et tandis que je regardais la porte, j’ai su et voulu, en un seul mouvement de conscience, que « le moment est arrivé » et, levant à deux mains un puissant marteau d’or je frappai un coup, un unique coup sur la porte, et la porte vola en éclats. Alors la Lumière, la Force et la Conscience supramentales se précipitèrent sur la terre en un flot ininterrompu.

Comme on la raconte, l’expérience qu’eut la Mère ce soir-là était irrésistible. Et cela à tel point que, comme Peter Heehs allait me le raconter, à la fin de la méditation « elle leva les yeux, pensant les trouver tous assommés net, aplatis sur le sable du terrain de jeux. » Mais à son grand étonnement, expliqua Heehs, « Ils étaient tous assis là exactement comme si rien ne s’était produit. Et en ce qui les concernait, rien ne s’était produit. » Mais en dépit du manque d’impact immédiat, la Mère demeura ancrée dans sa conviction que la grande percée s’était bien produite. Et deux mois plus tard, le message suivant parut dans le journal de l’ashram : 

Seigneur, Tu as voulu, et j’exécute :
Une lumière nouvelle apparaît sur la terre,
Un monde nouveau est né.
Les choses promises sont accomplies.

Les « choses promises », dans ce cas, ne signifient rien moins que le début d’une dynamique nouvelle de l’évolution qui s’introduit dans la « conscience de la terre » et, comme l’a dit Sri Aurobindo, une dynamique telle « qu’elle ne pouvait manquer d’exercer une immense influence sur l’ensemble de l’humanité », et qui avec le temps, accomplirait en fin de compte une transformation en bloc de la vie sur terre.

Sri Aurobindo comme la Mère attendaient de cette percée évolutive qu’elle entraîne de vastes changements globaux, et j’ai voulu que Heehs me fasse savoir, de son point de vue d’historien, comment il pensait que cela se produisait : est-ce que l’histoire avait confirmé les prédictions ? Il me résuma ainsi le sujet : « J’ai horreur de le dire, mais il y a cinquante-cinq ans de cela et, de façon visible en tout cas, les choses ne se sont pas beaucoup améliorées. Bien sûr, on parle là d’un développement cosmique, et on ne s’attend pas nécessairement à ce que tout le monde devienne doré demain, mais…. »

Cet après-midi-là, en faisant ma tournée dans l’ashram pour faire mes adieux et mes remerciements aux nombreuses personnes extraordinaires que j’y avais rencontrées au cours de cette semaine, je demandai à tous ceux que je croisais ce qu’ils pensaient de la manifestation supramentale : s’était-elle véritablement produite et, si c’était le cas, quels en avaient été les effets ? Alors, au long de ces quelques dernières heures passées à Pondichéry, un tableau très différent se mit à émerger : un tableau qui, un peu d’imagination aidant, commençait même à ressembler aux pâles débuts du monde nouveau dont Sri Aurobindo et la Mère avaient eu il y a si longtemps la vision. Il était clair que presque tous pensaient que la manifestation supramentale s’était effectivement produite. A leurs yeux en réalité, ses effets unificateurs pouvaient être aperçus partout : depuis la tendance vers la globalisation jusqu’à l’intérêt croissant pour le mysticisme en Occident, depuis la préoccupation grandissante pour l’environnement jusqu’à la chute du mur de Berlin, depuis la coalition internationale contre le terrorisme jusqu’à l’émergence d’internet, depuis la fin de l’apartheid jusqu’à l’amélioration des droits des femmes, du New Age à la nouvelle physique, ils ressentaient que où que le regard se pose, on trouve des mouvements vers l’unité sans précédents, qui auraient été impossibles auparavant. Et tout cela, dans l’esprit des croyants les plus engagés, pouvait ultimement être rapporté à ce qui s’était produit ce soir-là, un soir par ailleurs tranquille, au terrain de jeux de l’ashram.
 L'appel pour l'évolution

« Alors, quel est le dernier compte-rendu depuis le laboratoire ? » demanda Andrew au début de notre première conférence de rédaction depuis mon retour aux États-Unis.

« Il y a beaucoup à intégrer, répondis-je, en quatre jours seulement, j’ai à peine égratigné la surface. Mais rien qu’après une brève visite, je sens qu’à coup sûr j’éprouve un goût de ce que faisaient Sri Aurobindo et la Mère. Il y a un dynamisme chez les gens d’ici, une sorte d’intérêt éveillé pour la vie, pour les autres, chose inhabituelle dans le cadre d’un groupement spirituel, particulièrement en Inde. Je veux dire que Sri Aurobindo et la Mère étaient eux-mêmes tellement dynamiques ; et puis tu sens réellement ce même genre de courant évolutif ici dans l’air. C’est un lieu puissant.

« Mais, vous voyez, par rapport à mes considérations initiales sur Sri Aurobindo, je dois vous dire qu’après tout ce que j’ai appris, je suis plus certain que jamais que tous les deux, lui comme la Mère, étaient incroyablement cool. »

Carter rit : « Allez, ça va, on a déjà eu notre dose. »

« Je parle sérieusement. Écoute : à un certain moment, Sri Aurobindo a écrit quelque chose sur l’importance qu’il y a à cultiver un corps fort et en bonne santé, comme faisant partie de la préparation en vue d’une transformation véritablement intégrale. Devine ce que la Mère a fait en réponse… Elle a construit une salle de musculation, une piscine olympique, des courts de tennis, une piste de course à pied, un terrain de foot avec stade, un terrain de basket et une salle d’aérobic. »

Elizabeth leva un sourcil. « Une salle d’aérobic ? »

« C’était juste pour voir ta réaction, dis-je en riant, mais le reste est entièrement vrai. Elle a lancé toute l’école de l’ashram dans un régime athlétique compulsionnel, sept jours sur sept, qui comprenait les arts martiaux et de la boxe – même pour les filles. »

« De la boxe dans un ashram ? Joli coup d’essai. » Elizabeth n’allait pas tomber dans le panneau à nouveau.

« Là je suis sérieux. Et tout cela remonte aux années cinquante. En Inde ! Et vous savez ce que j’ai appris d’autre ? Il semble bien qu’au tout début de la seconde guerre mondiale, Sri Aurobindo ait réellement donné de l’argent aux Britanniques pour les aider à mener la guerre. Et il faut se souvenir que peu d’années auparavant, il avait été leur ennemi numéro un et qu’à cette époque la question de l’indépendance de l’Inde n’était toujours pas résolue. Je veux dire qu’il parlait d’une vision globale, et qu’il accordait pour de bon ses actes à ses paroles. En ce qui concerne la question de savoir s’il avait aussi aidé à mener cette guerre avec son pouvoir spirituel, eh bien, je veux dire, j’ai réellement entendu cette histoire étonnante : il y avait un sergent américain, dont la section allait se faire encercler par les nazis, lorsque subitement une sorte de personnage éthéré lui apparut dans l’air et lui donna des indications explicites sur la façon de mettre ses hommes en lieu sûr. Et cela a marché.

Et puis, après la guerre, ce sergent se trouva en Inde, se retrouva en visiteur à Pondichéry, et s’aperçut que c’était Sri Aurobindo qui lui était apparu ! Bon, je ne sais pas trop si j’y crois ou pas, mais…. Qu’est-ce que Shakespeare disait … : « il y a au ciel et sur terre plus de choses que ce qu’on y rêve… »

« Eh bien, cela ne fait pas de doute qu’il est, comme tu l’as dit, complètement, excessivement cool, acquiesça Andrew. Il a tant fait de choses remarquables que je dois sans cesse me remettre en tête qu’on est en train de parler d’une personne réelle. Mais vous voyez, par-dessus tout, ce que je trouve tellement extraordinaire à son sujet, c’est sa volonté de se tenir seul debout dans cette vision de l’évolution à une époque où il était vraiment le seul à la voir de cette façon. C’est comme si un jour cette ardeur pour manifester la vie divine s’était emparée de lui et qu’il n’avait jamais fait machine arrière. Le monde a besoin de gens qui aient la volonté de mener ce genre de combat pour les raisons les plus élevées possibles. Et voyez le résultat, tout ce qu’il nous a révélé à tous. »

Carter approuva de la tête. « C’est extraordinaire. Je suis étonné de voir combien il est éclairant, et à quel point il trouve encore écho un demi-siècle plus tard. Au fait, Craig, c’était pas une des missions de ton voyage, de montrer à nos lecteurs pourquoi Sri Aurobindo n’est pas seulement cool, mais aussi qu’il a une grande pertinence pour l’éveil au vingt-et-unième siècle ? »

« Tout à fait. Et pour être honnête, aujourd’hui, je suis tellement enthousiasmé par ses enseignements que je crois que je pourrais écrire un livre sur le sujet. »

« Et si tu nous faisais la version courte? » sourit Carter.

« Ce que je crois que Sri Aurobindo a à dire à l’humanité aujourd’hui, ce qui sera pertinent, je pense, jusqu’au jour où le monde entier sera effectivement devenu divin jusqu’aux quarks, c’est que l’évolution a besoin de notre participation. D’une certaine façon, c’est cela la partie la plus inspirante et dynamisante de sa vision : qu’au travers des choix que nous faisons tous les jours, nous pouvons aider à faire aller l’évolution de l’avant vers ce but glorieux et divin dont il a parlé. C’est comme s’il était en train de dire, en un certain sens, que l’orientation est déjà prise mais que le pouvoir de l’accomplissement repose entièrement entre nos mains. Et c’est ça la bonne nouvelle : nous pouvons le réaliser. En fait, vu l’état dans lequel se trouve le monde, nous devons réaliser ce but. Tant de choses sont possibles. Alors, à celui d’entre nous qui penserait encore que l’éveil consiste à attendre la grande explosion qui nous fera sortir d’ici, il dit : « Eveille-toi, et rejoins la révolution. La révolution de la conscience. La révolution de l’évolution. »

« Car il y a quelque chose qu’il faut faire naître ici, et que le monde n’a pas encore vu. Et c’est là, pour moi, que Sri Aurobindo va rester pertinent encore longtemps. »
__________________________________________________________________________________________Craig Hamilton          

© 2004 JOY: The Journal of Yoga
www.journalofyoga.org

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