Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo L'insuffisance de l'idée d'État

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

L'insuffisance de l'idée d'État




Après tout, qu'est-ce que l'idée d'État, cette idée d'une communauté organisée à laquelle l'individu doit être immolé ? Théoriquement, c'est la subordination de l'individu au bien de tous; pratiquement, c'est sa subordination à un égoïsme collectif — politique, militaire et économique —qui cherche à satisfaire certaines visées et ambitions collectives conçues et imposées à la grande masse des individus par un nombre plus ou moins restreint de personnes dirigeantes qui sont censées représenter la communauté d'une manière quelconque. Peu importe que ces personnes appartiennent à une classe gouvernante ou que, comme dans les États modernes, elles émergent de la masse par la force de leur caractère (mais bien plus par la force des circonstances), et cela ne fait aucune différence essentielle, non plus, que leurs buts ou idéaux soient, comme de nos jours, imposés plus par l'hypnotisme d'une persuasion verbale que par la force expresse. Dans tous les cas, il n'est aucune garantie que la classe dirigeante ou le corps dirigeant représente la meilleure intelligence de la nation ni ses buts les plus nobles ni ses instincts supérieurs.
    Rien de tel n'existe chez le politicien moderne, en aucune partie du monde; il ne représente pas l'âme d'un peuple ni ses aspirations. Ce qu'il représente, d'habitude, c'est toute la petitesse moyenne, l'égoïsme, l'égo-centrisme et la duplicité qui l'entourent ; cela, il le représente assez bien, et aussi beaucoup d'incompétence mentale et de conventions morales, de timidité, de prétention. De grands problèmes se présentent souvent à sa décision, mais il ne les traite pas avec grandeur; des paroles élevées et de nobles idées sont sur ses lèvres, mais bien vite elles deviennent le boniment d'un parti. La maladie et le mensonge de la vie politique moderne sont évidents dans tous les pays du monde; seul, le consentement hypnotisé de tous (et même des classes intellectuelles) à cette grande imposture organisée, masque et prolonge la maladie. C'est le genre de consentement que les hommes accordent à tout ce qui est habituel et constitue l'atmosphère présente de leur vie. Et pourtant, ce sont ces mentalités-là qui ont à décider du bien de tous ; c'est à ces mains-là que notre bien doit être confié ; c'est à ces agents, parés du nom d'État, que, de plus en plus, l'individu est mis en demeure d'abandonner le gouvernement de ses activités. En fait, ce n'est d'aucune façon le plus grand bien de tous qui est ainsi assuré, mais beaucoup de mal et de confusion organisée, avec pourtant un peu de bien qui s'achemine vers un progrès réel, car, toujours, la Nature va de l'avant, malgré tous les faux pas, et finalement elle atteint son but en dépit de l'imparfaite mentalité de l'homme, plus souvent que grâce à elle.
    Mais même si l'instrument gouvernant était mieux constitué et d'un caractère mental et moral plus élevé, même si l'on trouvait quelque moyen de faire ce que les civilisations anciennes avaient fait en imposant à leurs classes dirigeantes des disciplines et des idéaux supérieurs, l'État ne serait tout de même pas ce que l'idée d'État prétend être. Théoriquement, c'est la sagesse et la force collectives de la communauté, mobilisées et organisées pour le bien général. Pratiquement, ce qui conduit la machine et tire le char, est seulement la fraction de l'intelligence et du pouvoir de la communauté que le mécanisme particulier de l'organisation étatique veut bien laisser venir à la surface; mais cette fraction-là aussi est happée et entravée par la machine, autant qu'elle est entravée par la grande quantité de sottise et de faiblesse égoïste qui vient à la surface avec elle. Sans doute est-ce le mieux que l'on puisse faire en les circonstances, et la Nature, comme toujours, l'utilise pour le mieux. Les choses seraient d'ailleurs bien pires si certaines coudées franches n'étaient pas laissées à l'effort individuel qui, moins entravé, fait ce que l'État ne peut faire, met en œuvre et utilise la sincérité, l'énergie et l'idéalisme des individus les meilleurs pour tenter ce que l'État n'a ni la sagesse ni le courage de tenter, et accomplit ce que le conservatisme et l'imbécillité de la collectivité laisse à l'abandon, ou même contrecarre et réprime activement. L'énergie de l'individu est l'agent vraiment effectif du progrès collectif. L'État, parfois, vient en aide à l'individu, et, si son aide ne s'accompagne pas d'un contrôle indu, il joue un rôle positivement utile. Mais le plus souvent, il barre le chemin et freine le progrès, à moins qu'il ne fournisse la somme de friction et d'opposition organisée dont nous avons toujours besoin pour que la nouvelle structure en voie de formation acquière une énergie plus grande et une forme plus complète. Or, nous tendons maintenant à un tel accroissement du pouvoir organisé de l'État, à une activité étatique tellement énorme, irrésistible et complexe, qu'elle éliminera complètement le libre effort individuel, ou finira par le laisser atrophié et découragé, réduit à l'impuissance. Le correctif nécessaire aux défauts, aux limitations et à l'inefficacité de la machine d'État, aura disparu.


Sri Aurobindo , L'Idéal de l'unité humaine, Première partie 
CHAPITRE IV
L'insuffisance de l'idée d'État





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