Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo L'aspiration de l'homme

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

L'aspiration de l'homme


Elle suit jusqu'au but de celles qui passent au-delà, elle est la première dans la succession éternelle des aurores qui viennent. — Elle s'élargit, faisant surgir l'être vivant, éveillant quelqu'un qui était mort... — Quelle est son ampleur quand elle s'harmonise avec les aurores qui déjà ont fini de luire et celles qui maintenant doivent luire? Elle désire les matins passés et accomplit leur lumière; devant elle projetant son illumination, elle entre en communion avec les autres qui doivent venir.

Kusta Angirasa

Rig-Véda, 1, 113, 8 et 10

Triples sont les naissances suprêmes de cette force divine qui est dans ce monde, -elles sont vraies, elles sont désirables ; là il se meut, amplement manifeste ail sein de l'Infini ; là il brille, pur, lumineux, accomplissant... Ce qui dans les mortels est immortel et possède la vérité est un dieu ferme en nous, énergie s'exerçant en nos pouvoirs divins.,. Sois Exaltée, ô Force, perce tous les voiles, manifeste en nous les Choses du Divin.

Rig-Véda, IV, 1, 7; 2, 1 ; 4. 5


   La première préoccupation de l'homme dès que s'éveille sa pensée, et, semble-t-il, sa préoccupation inévitable et infinie — car elle survit aux plus longues périodes de scepticisme et revient après chaque exil — est aussi la plus haute que puisse concevoir sa pensée. Elle se manifeste dans la divination du Divin, dans l'élan vers la perfection, dans la recherche de la Vérité pure et de la Béatitude sans mélange, dans le sentiment d'une immortalité secrète. Les aurores anciennes de la connaissance humaine nous ont laissé leur témoignage de cette aspiration constante ; nous voyons aujourd'hui une humanité rassasiée, mais non pas satisfaite, par son analyse victorieuse des aspects extérieurs de la Nature, se préparer à retourner à ses aspirations premières. La formule primitive de la Sagesse promet d'en être aussi l'ultime : Dieu, Lumière, Liberté, Immortalité.
   Ces idéals persistants de la race viennent à la fois contredire son expérience normale et affirmer des expériences plus hautes et plus profondes qui ne sont point normales pour l'humanité et ne peuvent être atteintes, dans l'intégralité de leur structure, que par un effort individuel révolutionnaire ou une progression générale évolutive. Connaître, posséder et être l'Être divin dans une conscience annale et égoïste, transmuer notre mentalité physique, de demi-jour ou de ténèbres, en la plénitude d'une illumination supramentale, édifier la paix et une félicité existant en soi là où ne règne que la tension de satisfactions éphémères assiégées par la douleur physique et la souffrance émotive, instaurer une liberté infinie en un monde qui se présente comme un ensemble de nécessités mécaniques, découvrir et réaliser la vie immortelle en un corps sujet à la mort et à un incessant changement — voilà ce qui nous est offert comme la manifestation de Dieu dans la Matière et comme le but de la Nature dans son évolution terrestre. Pour l'intellect matériel ordinaire qui voit dans son actuelle organisation de conscience la limite de ses possibilités, la contradiction flagrante entre les idéals non-réalisés et le fait réalisé est un argument concluant contre leur validité. Mais si nous envisageons plus délibérément le mécanisme du monde, cette opposition apparaît plutôt comme un élément de la méthode la plus profonde de la Nature, comme le sceau de sa sanction la plus entière.
  Car tous les problèmes de l'existence sont essentiellement problèmes d'harmonie. Ils prennent naissance dans la perception d'un discord non résolu et l'intuition d'un accord, d'une unité non encore dévoilée. Ce qui est pratique et le plus animal en l'homme peut se contenter d'un discord non résolu, mais non pas son esprit pleinement éveillé ; et le plus souvent même les éléments pratiques en l'homme n'échappent à ce qui est une nécessité générale qu'en refusant d'admettre le problème, ou en acceptant un compromis grossier, utilitaire et dépourvu de toute lumière. Par essence, cri effet, toute la Nature recherche une harmonie, aussi bien la vie et la matière dans leur sphère propre que le mental dans l'ordonnance de ses perceptions. Plus grands sont le désordre apparent de matériaux offerts ou l'apparente hétérogénéité, voire même l'opposition irréductible des éléments à utiliser, plus forte est l'impulsion, et elle conduit vers un ordre plus subtil et plus puissant que n'en saurait normalement produire une tentative moins ardue. Mettre en accord la Vie active avec une matière première de forme où la condition de 1'activité elle-même semble être l'inertie, est un problème d'opposés que la Nature a résolu et cherche à toujours mieux résoudre dans des cas toujours plus complexes ; car la solution parfaite en serait l'immortalité matérielle d'un corps animal pleinement organisé supportant le mental. Mettre en accord le mental conscient et la volonté consciente avec une forme et une vie qui en elles-mêmes ne sont pas manifestement conscientes de soi, qui sont tout au plus capables d'une volonté mécanique ou subconsciente, est un autre problème d'opposés dans lequel elle a obtenu d'étonnants résultats et vise toujours à de plus hauts prodiges : le miracle dernier en serait, en effet, une conscience animale qui ne chercherait plus la Vérité et la lumière mais les posséderait avec l'omnipotence effective résultant de la possession d'une connaissance directe achevée. Aussi l'élan qui soulève l'homme vers l'accord d'opposés encore plus hauts n'est-il pas seulement rationnel en soi, il est le seul aboutissement logique d'une règle et d'un effort qui semblent être une méthode fondamentale de la Nature et le sens même de sa poursuite universelle.
   Nous parlons de l' « évolution » de la Vie dans la matière, de l'« évolution » du Mental dans la Matière ; mais n'est là qu'un mot qui désigne le phénomène sans l'expliquer. Car il semble n'y avoir aucune raison pour que la Vie provienne d'éléments matériels, pour que le Mental provienne de la forme vivante, si l'on n'accepte la thèse védântique que la Vie est déjà involuée dans la Matière, et le Mental dans la Vie, parce qu'en essence la Matière est une forme voilée de la Vie, la Vie une forme voilée de la Conscience. Il semble alors ne guère y avoir d'objection à avancer d'un pas encore dans cette série et à admettre que la conscience mentale puisse n'être elle-même qu'une forme et un voile d'états supérieurs qui sont au-delà du Mental. En ce cas, l'invincible élan de l'homme vers Dieu, vers la Lumière, la Béatitude, la Liberté, l'Immortalité, trouve sa juste place dans la chaîne :c'est simplement l'élan impérieux par lequel la Nature cherche à évoluer au-delà du Mental, et il semble aussi naturel, aussi vrai et aussi juste que l'élan vers la Vie que, la Nature a fait germer en certaines formes de la Matière, ou l'élan vers le Mental qu'elle a fait germer en certaines formes de la Vie. Dans l'un et l'autre cas, l'élan existe plus ou moins obscurément dans les différents réceptacles de la nature où se développe, en une série toujours ascendante, le pouvoir de sa volonté d'être ; dans l'un et l'autre cas, il fait apparaître graduellement — et devra à la fin faire apparaître pleinement — les organes et les facultés nécessaires. Comme l'élan vers le Mental va des réactions les plus sensibles de la Vie dans le métal et dans la plante jusqu'à sa pleine organisation dans l'homme, ainsi dans l'homme lui-même se retrouve la même série ascendante, la préparation, sinon plus, d'une vie supérieure, d'une vie divine. L'animal est un vivant laboratoire dans lequel, dit-on, la nature a élaboré l'homme. L'homme lui-même pourrait bien être un laboratoire vivant et pensant en qui, et avec la coopération consciente de qui, la nature veut élaborer le surhomme, le Dieu — ou plutôt, ne devrions-nous pas dire manifester Dieu? Car si l'évolution est la manifestation progressive par la Nature de ce qui,
« involué », dormait ou œuvrait en elle, c'est aussi la réalisation patente de ce qu'elle est dans le secret. Nous ne pouvons donc ordonner a la Nature de s'arrêter à tel stade de son évolution; nous n'avons pas non plus le droit de condamner — comme perversion et présomption avec l'homme de religion, comme maladie ou hallucination avec le rationaliste — toute intention dont elle peut témoigner de dépasser ce stade ou tout effort qu'elle peut accomplir dans ce sens. S'il est vrai que l'Esprit est « involué » dans la matière et que la Nature visible est le Dieu caché, le but le plus haut et le plus légitime que l'homme puisse avoir sur terre est de manifester le divin en soi, de réaliser Dieu au-dedans et au-dehors de soi.
   Ainsi l'éternel paradoxe et l'éternelle vérité — une vie divine dans un corps animal, une aspiration ou réalité immortelle habitant une demeure immortelle, une conscience universelle unique se représentant en des esprits limités et des egos divisés, un Être transcendant, indéfinissable, sans espace ni temps et qui seul rend possibles espace et temps et cosmos et, en toutes contradictions, la vérité supérieure réalisable par le terme inférieur — se trouvent justifiés aussi bien pour la raison réfléchie que pour l'intuition, l'instinct tenace de l'humanité. On tente parfois d'écarter définitivement des questions que la pensée logique a si souvent, déclarées insolubles, et de persuader aux hommes de borner leur activité mentale aux problèmes pratiques immédiats de leur existence matérielle dans l'univers ; mais l'effet de ces échappatoires n'est jamais permanent. L'humanité en revient avec un désir plus intense de recherches, une soif plus ardente de solution immédiate. De cette soif le mysticisme profite, et de nouvelles religions surgissent pour remplacer les anciennes qu'a détruites ou dépouillée de leur sens un scepticisme qui s'avère lui-même impuissant puisque, destiné à chercher, il se refuse à pousser assez loin la recherche. Essayer de nier ou d'étouffer une vérité parce qu'elle est encore obscure en ses manifestations extérieures et trop souvent représentée par un obscurantisme superstitieux ou une croyance grossière — cela même est une sorte d'obscurantisme. Vouloir éluder une nécessité cosmique parce qu'elle est ardue, difficile à justifier par des résultats immédiats tangibles et lente à régler son fonctionnement, c'est en définitive ne pas accepter la vérité de la Nature, et au contraire se révolter contre la volonté secrète, plus puissante, de la grande Mère. Il est préférable et plus rationnel d'accepter ce qu'Elle ne nous permet pas, en tant que race, de rejeter, et de le hausser, hors du domaine de l'instinct aveugle, de l'intuition obscure et de l'aspiration sans règle, jusqu'en la lumière de la raison et d'une volonté éclairée qui se dirige consciemment. Et s'il est une lumière supérieure d'intuition illuminée ou de vérité en voie de révélation, présentement masquée ou inopérante en 1'homme, qui ne joue que par éclairs intermittents, comme de derrière un voile, ou par de rares jaillissements, comme des aurores boréales dans notre ciel matériel, nous ne devons pas non plus craindre d'aspirer. Car il est probable que c'est là le prochain état supérieur de conscience dont le Mental n'est qu'une forme et un voile ; et par les splendeurs de cette lumière passe peut-être le chemin de notre épanouissement progressif jusqu'en l'état suprême, quel qu'il soit, où l'humanité trouvera son ultime repos.
Sri Aurobindo, LA VIE DIVINE,
Chapitre premier — L'aspiration de l'homme




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